Belgique, terre de… rapatriement « volontaire »

L’UNHCR (United Nations High Commissioner for Refugees) est extrêmement clair sur le sujet : les gouvernements sont fermement invités à reporter des mesures qui pourraient conduire ou induire des retours volontaires pour des personnes originaires du sud ou du centre de l’Irak. Les demandeurs d’asile irakiens ne devraient pas se voir rejetés simplement parce qu’ils pourraient avoir la possibilité de rentrer quelque part en Irak.
Voilà qui n’a pas l’air d’impressionner notre secrétaire d’État « à l’Asile et à la Migration », Theo Francken… C’est en effet avec un grand sourire qu’il a récemment annoncé que « vingt fois plus de réfugiés irakiens ont volontairement accepté de retourner dans leur pays avec l’aide du gouvernement belge en 2015 ». A-t-il fallu que la Belgique se montre particulièrement persuasive – pardon, dissuasive – pour que des centaines d’Irakiens qui ont bravé tous les dangers et payé le prix fort, au sens propre du terme, pour arriver jusqu’ici, « acceptent » soudain de rentrer chez eux, à savoir dans le deuxième pays le plus dangereux au monde après la Syrie !


Cette expulsion déguisée aura tout de même coûté la bagatelle de 100.000 euros à notre beau pays, mais Theo Francken estime que ça valait le coup. Et ce n’est effectivement pas énorme en regard des plus des 70 millions d’Euros que la Belgique s’est engagée à verser au titre de sa contribution au financement du plan d’action européen visant à aider la Turquie à prendre en charge les réfugiés syriens qui sont de plus en plus nombreux à se presser à ses portes, comme on vous le dit par ailleurs.


En d’autres termes, la Belgique, compatit sincèrement à la situation des réfugiés, et est prête à tous les sacrifices pour que ceux-ci soient décemment accueillis… ailleurs.
Et pour ce faire, il en est qui font preuve de la plus grande imagination… Ainsi le gouverneur de Flandre Occidentale, Carl Decaluwé, certainement après des nuits d’intense réflexion, a eu une idée lumineuse… Pour dissuader les réfugiés qui ne se sentaient pas très à l’aise à Calais, où comme chacun sait l’accueil laisse quelque peu à désirer, pour les dissuader donc de venir faire un petit tour à Zeebruges, idée de voir s’il ne leur serait pas plus facile de passer de là en Grande-Bretagne, but ultime de leur périple, Carl Decaluwé a eu cette phrase qui restera à coup sûr dans les anales : « Ne nourrissez pas les réfugiés, sinon d’autres viendront. ». Il ne fait pourtant pas partie de la NVA, mais du CD&V (Christen-Democratisch en Vlaams) qui contient tout de même le mot chrétien !


Heureusement, l’appel du gouverneur que certains medias ont comparé à une « interdiction de nourrir les canards ou les mouettes » a eu un effet des plus contreproductifs puisqu’une partie de la population de Zeebruges s’est mobilisée pour apporter des repas chauds, des produits de première nécessité, des médicaments aux réfugiés qui se sont regroupés près de l’église Stella-Maris.


Mais ils en ont rapidement été délogés. Jan Jambon, notre ministre NVA de l’intérieur avait prévenu : « Je ne tolérerai pas qu’à Zeebruges et dans les environs s’installent des camps de tentes comme à Calais. »… Il leur a donc envoyé sa police qui les a « confiés » à l’Office des Étrangers. Mais le plus grave, et qui a choqué tous ceux ont assisté à l’opération, c’est que dans la foulée, un camion poubelle est arrivé et toutes les affaires des interpelés y ont été jetées.


Le diocèse de Bruges a réagi fermement dans un communiqué concernant la manière d’agir de la police… « D’un point de vue humanitaire et chrétien, nous estimons inacceptable que l’on refuse à des gens une aide médicale et alimentaire. Il n’est pas non plus acceptable que les biens personnels des migrants finissent dans un sac poubelle ».
Mais en fait, tout le monde – l’Europe – s’en moque. Aujourd’hui, à nouveau, la cible principale ce sont les passeurs. Plus de passeurs, plus de réfugiés n’est-ce pas ? Alors l’OTAN a décidé de s’en mêler aussi. Elle a en effet « accepté » de déployer des navires en mer Égée pour participer au « démantèlement des réseaux de clandestins », entendez au refoulement des réfugiés vers la Turquie, même lorsque leurs embarcations seront interceptées dans les eaux territoriales grecques !
Nous ne nions pas que les passeurs font leurs choux gras de la misère du monde, mais cette misère ce n’est pas eux qui l’on créée, ce sont nos pouvoirs qui en sont responsables, ce sont eux qui ont déstabilisé l’Irak, la Lybie et la Syrie en refusant d’aider en son temps la révolte populaire qui se faisait massacrer par les forces de Bachar el-Assad. Ce sont eux qui ont fait en sorte que des centaines de milliers de personnes, femmes, hommes et enfants ont prix la route de l’exil, en ayant pleine conscience des périls qui les attendaient, pour échapper à la persécution sur base ethnique ou religieuse, à la misère tout simplement, et aujourd’hui aux bombardements. Comme le disent la plupart des réfugiés, ce ne sont pas après nos allocations qu’ils courent, ce sont nos bombardements qu’ils fuient.


C’est vrai, ce n’est pas la Belgique qui bombarde la population d’Alep, mais elle est coresponsable de ce qui lui arrive. Et les déclarations de certains de nos « représentants » politiques sont dès lors absolument inaudibles