Epuration ethnique en bonne voie à la Knesset

Henri Wajnblum

La Knesset a en effet adopté, à la mi-juillet, le projet de loi dit de « suspension des députés ». Suspension ? Plutôt destitution. En effet, pour lancer le processus de destitution, il suffira désormais que 70 députés, dont 10 de l’opposition, portent plainte auprès du président de la Knesset contre tout député qui « soutient la lutte armée contre Israël ou incite à la haine raciale ».

Ne vous y trompez pas… Dans sa composition actuelle, il ne se trouvera jamais 70 députés de la Knesset pour demander la destitution, pour incitation à la haine raciale, de Ayelet Shaked par exemple. Et pourtant, en juillet 2014, la ministre de la Justice faisait sur Facebook l’éloge d’un article daté de 2002 et rédigé par Uri Elitzur, chef de cabinet de Netanyahu durant son premier mandat de Premier ministre : « Derrière chaque terroriste se tiennent des dizaines d’hommes et de femmes, sans lesquels il ne pourrait pas s’engager dans le terrorisme. Ce sont tous des combattants ennemis, et leur sang devrait être sur leurs têtes. Cela inclut également les mères des martyrs, qui les ont envoyés en enfer avec des fleurs et des baisers. Elles devraient suivre leurs fils, rien ne serait plus juste. Elles devraient partir, ainsi que les maisons dans lesquelles elles ont élevé les serpents. Sinon, davantage de serpents y seront élevés ». Ni plus ni moins !

Pas 70 députés non plus pour demander la destitution de Naftali Bennett, l’actuel ministre de l’Éducation qui, alors qu’il était ministre de l’Économie en 2013, déclarait au quotidien Yediot Aharonot : « Si vous attrapez des terroristes, vous devez simplement les tuer », et rétorquait au journaliste qui lui objectait que c’était illégal : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie, je ne vois pas où est le problème » !

Les choses sont donc claires, il s’agit d’une loi sur mesure pour tenter d’évincer, ou à tout le moins de museler, les députés de la Liste Arabe Unie et tout particulièrement Haneen Zoabi, la bête noire de la majorité et aussi de bon nombre de députés de l’opposition. Haneen Zoabi qui s’était fait éjecter lors d’une réunion parlementaire après avoir appelé les députés et l’armée à présenter des excuses pour avoir tué neuf activistes au cours d’un raid sur la flottille humanitaire turque qui se dirigeait vers Gaza en 2010, qualifiant les soldats impliqués dans le raid de meurtriers et suscitant une véritable bronca à la Knesset, majorité et opposition confondues, alors qu’elle énonçait une simple évidence. La preuve ? Dans le cadre des pourparlers pour la normalisation des relations avec la Turquie, Benyamin Netanyahu avait accepté de présenter des excuses officielles pour l’assaut et de créer un fonds spécial de 20 millions de dollars destiné à dédommager les familles des victimes…

Bien que ne portant pas Haneen Zoabi dans leur cœur, le Bloc sioniste (anciennement Parti travailliste) et le Meretz ont néanmoins vivement critiqué l’adoption de cette loi. Quant à Ayman Odeh, le président la Liste Arabe Unie, il avait menacé de quitter la Knesset si le projet de loi était voté. Pas certain néanmoins qu’il mette sa menace à exécution tant le militantisme radical de Haneen Zoabi embarrasse jusque dans son propre camp…

SUS AUX ONG DE GAUCHE

Autre déni de démocratie, la loi, dite de « transparence », votée le 11 juillet. Cette loi contraint les ONG bénéficiant pour plus de la moitié de leur financement de fonds émanant de gouvernements étrangers à en faire la déclaration publique et à le rappeler systématiquement à chaque publication. En cas de refus, elles s’exposent désormais à une amende de 29 000 shekels (6 700 euros).

L’intention manifeste est de diaboliser ces organisations présentées comme hostiles aux intérêts de l’État, en les cataloguant comme des agents de l’étranger. Il s’agirait, selon le leader travailliste Isaac Herzog, d’une illustration du « fascisme bourgeonnant » en Israël. On ne connaissait pas Herzog aussi courageux, mais il faut dire qu’une des ONG visées, Shalom Archav, est proche des travaillistes.

« La loi entend s’occuper du phénomène des ONG qui représentent des intérêts d’Etats étrangers tout en agissant sous le couvert d’organisations locales cherchant à servir les intérêts du public israélien », est-il écrit en préambule de la loi. Comme par hasard, 25 des 27 ONG concernées sont classées à gauche.

Pour justifier ce texte, le gouvernement a mis en avant l’argument de la « transparence ». « Nos têtes ne sont plus baissées », a clamé la ministre de la justice, Ayelet Shaked, lors du débat de six heures qui a précédé le vote, Benyamin Netanyahu, déclarant pour sa part que le but de la loi était « d’empêcher une situation absurde où des États étrangers se mêlent des affaires intérieures d’Israël en finançant des ONG, sans que le public israélien en soit conscient ».

On ne s’étonnera pas que la nouvelle loi ne vise pas le financement d’ONG provenant de fondations ou de personnes privées à l’étranger. En effet, les organisations proches de l’extrême droite et des colons ne vivent que grâce aux fonds privés. Elles pourront, elles, continuer à agir en toute opacité sans que le public israélien en soit conscient. Vous avez dit « seule démocratie du Proche-Orient » ?