La rue Dansaert, waar de Vlamingen thuis zijn ?

ANNE GIELCZYK

Bonjour les amis, je viens mettre mon petit grain de sel flamand dans ce panorama multiculturel. C’est bien joli toutes ces déclarations sur le vivre-ensemble, mais, il n’y a pas si longtemps, Bruxelles était encore une ville flamande, ne l’oublions pas. «  Brukselle  », comme disent les Français, et pour une fois ils n’ont pas tort, puisque son nom d’origine est Broekzele. De broek, marais en vieux néerlandais. «  Un hameau dans un marais  » comme l’écrit Marc Didden, en précisant que c’est une description qui convient toujours. Il ne précise pas s’il s’agit du hameau ou du marais. A la lumière des événements récents j’opterais plutôt pour le marais. Flamand de Bruxelles, Marc Didden est un grand amoureux et fin connaisseur de sa ville, de son histoire et de ses bistrots, auteur d’un film culte dans les années 1980 «  Brussels by night  », et de centaines de chroniques sur Bruxelles. Enfant déjà, il déambulait avec son père dan¬s le quartier des Halles Saint-Géry, le berceau de la ville. Lui et Bruxelles, c’est l’histoire d’une passion, d’amour et de haine. «  Rien ne fonctionne à Bruxelles  » écrit-il «  c’est à la fois le fléau et le grand charme de cette ville  ». Bruxelles est une ville paradoxale, tous les vrais amateurs de Bruxelles le savent.

De la Place Saint-Géry, il nous mène vers la rue Dansaert et ensuite vers la rue Léon Lepage, qu’il aime pour sa courbe et ses beaux immeubles, jusqu’au Laboureur, un café qui a gardé un peu de son authenticité malgré la gentrification du quartier. Comment mesure-t-on l’authenticité d’un café ? «  Au nombre requis de poivrots à certaines heures de la journée  ». C’est le cas du Labou-reur.

Mais revenons sur nos pas, rue Dansaert, la rue qui a donné son nom aux bobos flamands de Bruxelles les «  Dansaert-Vlamingen  ». Ca l’énerve ça, Marc Didden, ça n’existe pas les Dansaert-Vlamingen ! s’écrie-t-il. Le quartier ne s’est pas «  flamandisé  », ceux qui croient ça n’ont pas d’oreilles ni d’yeux «  pour discerner les quelque cent cinquante-six autres groupes démogra-phiques qui l’habitent  ». Car il ne faut pas confondre les boutiques branchées de la rue Dansaert avec leurs stylistes anversois et ses habitants, qui parlent en majorité ou le français, ou l’anglais, ou l’allemand, voire le russe, l’arabe ou l’albanais.

La Rue Dansaert dans l’imaginaire de Marc Didden, c’est avant tout la rue qui mène de la Bourse au canal et au-delà du canal à Molenbeek et ensuite à .. la mer. La Rue Dansaert ce n’est «  rien d’autre que la Chaussée de Gand qui partirait de la Grand-Place tout droit jusqu’ à la plage d’Ostende  ».

La rue Dansaert, il l’aime parce que c’est une des rares rues à Bruxelles d’où l’on peut regarder pas-ser les petits bateaux à partir du pont qui relie le «  gentil  » Bruxelles au «  dangereux  » Molenbeek.

La rue Dansaert, il la déteste parce qu’elle est tout ce que Bruxelles n’est pas, prétentieuse, un peu petite-bourgeoise et parfois carrément ennuyeuse.
Il y a un siècle, le quartier Dansaert était pourtant bel et bien un quartier flamand, le quartier d’immigration des petites gens venues de Flandre pour y travailler dans les boucheries, les imprime-ries et les usines du «  Petit Manchester  » qu’était à l’époque le Molenbeek industriel voisin. On par-lait le Brusseleir, une espèce de yiddish à la belge, «  un merveilleux amalgame de français, de néer-landais à la brabançonne et d’Espagnol  ». Une langue qui disparaît, elle aussi.

Mais, en fait qui était cet Antoine Dansaert ? Un parlementaire et banquier belge du 19e, on n’en sait guère plus, et comme Marc Didden, on s’en fiche complètement, en fait.

1 En NL «  Een gehucht in een moeras. Brusselse verhalen  », éditions Luster, 2013. 2015 pour la traduction française de Monique Nagielkopf chez le même éditeur