Bonjour à toutes et à tous,
Nous voilà réunis, comme chaque année, devant ce mémorial, lieu emblématique où sont inscrits 23 833 noms des victimes juives de Belgique de la barbarie nazie. Réunis ensemble pour nous recueillir dans leur souvenir et aussi pour commémorer ce jour d’avril de l’année 1943, qui marqua le début de l’insurrection des habitants du ghetto de Varsovie, symbole de la résistance juive au nazisme.
Cette commémoration, que nous voulons sans drapeau, sans ambassade, sans Hatikva, se déroulera en deux temps : nous entonnerons d’abord, le chant des partisans juifs, ici même, devant les stèles qui rendent hommage à la résistance juive en Belgique, avant de nous rendre, ensuite, à l’intérieur du Mémorial pour écouter le message de solidarité de Gilles Maufroy, un de nos membres qui s’est investi dans la solidarité avec les populations civiles de Syrie. Un combat qui, à nos yeux, s’inscrit dans la filiation de toutes les Résistances à la barbarie dont nous avons pris l’habitude de témoigner ici, année après année. Ainsi, ces dernières années, nous avons rendu hommage aux Tziganes, aux Arméniens, aux Tutsis et l’année passée, c’était Michel Roland qui était à nos côtés pour nous parler du calvaire de ceux qu’on nomme aujourd’hui les réfugiés.
 Le 19 avril 1943, dans le ghetto de Varsovie, ils étaient 220 jeunes gens à peine, armés de quelques dizaines de pistolets en mauvais état, quelques fusils, une mitraillette, des cocktails Molotov et des grenades pour tenter de mettre en échec l’armée la plus puissante du monde.
Ce même 19 avril 1943, près de Malines, ils étaient à peine trois autres jeunes gens à faire ce qu’aucune armée avant eux n’avait fait, ni après eux ne fera : arrêter un convoi, le 20e, qui était en route pour Auschwitz–Birkenau.
Et aujourd’hui, en avril 2017, un monde obscurci par les guerres auxquelles se livrent les puissants, le monde de Donald Trump et de Bachar El-Assad; dans une Europe en crise qui voit vaciller ses fondements démocratiques ; dans un pays, à deux pas d’ici, où le parti de la droite extrême, raciste et xénophobe, se voit crédité de 25% d’intention de vote et galvanise les foules aux cris de « la France aux Français, ici c’est chez nous ! » , dans ce monde mauvais où ce ne sont plus seulement quelques loups qui sont à nos portes, c’est quoi pour nous résister ?
C’est être là aujourd’hui, ensemble et nous souvenir. Que le Vel d’hiv a bien été la responsabilité de l’Etat Français; que les migrants d’aujourd’hui étaient nos parents ou nos grands-parents, hier. Que la liberté, celle de se déplacer, de travailler, d’aimer, valent mieux que toutes les mesures sécuritaires qu’on nous propose pour seul modèle d’avenir. Résister aujourd’hui, c’est être là, ensemble, nous souvenir et c’est aussi, rêver. Car mieux vaut la folie douce du rêve et de l’Utopie que les certitudes meurtrières. Rêver à la solution pacifique des conflits par la négociation, à la tolérance et au respect des droits des peuples et des personnes ; à l’hospitalité généreuse des multiples identités culturelles.
Ce refus de se résigner au pire, c’est le choix que font aujourd’hui ces hommes et ces femmes qui résistent aux barbaries jumelles du régime syrien et des djihadistes, et c’est aussi le nôtre, plus modestement, lorsque nous tentons avec d’autres de briser le miroir que se renvoient, dans nos propres sociétés, l’islamophobie et l’antisémitisme.
Je donne à présent la parole à Gilles Maufroy, engagé aujourd’hui sur la Syrie après avoir été l’un des fondateurs du cercle BDS à l’Université Libre de Bruxelles, un groupe qui promeut le boycott citoyen et politique des institutions israéliennes au nom de la défense du droit international. Gilles dont l’engagement tire aussi sa source d’un passé familial qui ne nous est pas étranger puisque Gilles est l’un des petits-enfants du regretté René Raindorf, Résistant juif, survivant de l’enfer concentrationnaire et longtemps dirigeant de la Fondation Auschwitz.