De : Noé Debré
Avec : Michael Zindel, Agnès Jaoui, Solal Bouloudnine
Durée : 90 minutes
Sortie : 10 avril 2024
Premier long métrage de Noé Debré, par ailleurs scénariste, le film semble tourné aujourd’hui, tant les événements récents et actuels paraissent y trouver écho : le 7 octobre, Gaza et l’accroissement des actes antisémites. Mais non, il date de 2 ans car le malaise était déjà bien palpable.
Nous sommes dans la banlieue parisienne, Sarcelles ? Bellisha, jeune juif de 27 ans y vit avec sa mère, Gisèle, venue d’Algérie. Gisèle est malade et ne sort presque plus. C’est Bellisha qui est son lien avec l’extérieur, c’est lui qui lui décrit le monde qu’il côtoie au quotidien, au gré des courses, des flâneries.
Mais… l’épicerie casher va fermer, la synagogue aussi, l’antisémitisme latent s’est accentué et les Juifs sont tous partis. Ne restent que Bellisha et sa mère. C’est alors que le fils imagine un récit parallèle pour dissimuler le désastre à sa mère. Il s’invente des occupations, l’entraînement assidu au krav-maga avec un ancien militaire israélien, un emploi aussi, où en costume cravate et mallette, il se rend chez des clients. Mais hors du cocon maternel, Bellisha vit sa vraie vie : une maîtresse maghrébine mariée, des copains noirs et arabes, en toute fraternité, malgré quelques vannes. Mais rien n’y fait, Gisèle angoisse et rêve de départ, où ? Saint Mandé ? l’Alsace ? Et pourquoi pas Israël ? Toujours dans l’affabulation, Bellisha entame des démarches pour faire son aliah en Israël ou évidemment l’attend l’armée…
Dans un registre complètement inattendu, où l’humour et l’autodérision côtoient la mélancolie, Bellisha, incarné par Michael Zindel, l’acteur génial découvert par Noé Debré, erre de rencontres en mésaventures, toujours en décalage, toujours dans son ailleurs personnel, dans des séquences où clichés et préjugés sont désamorcés par l’arme imparable du rire. Mais l’émotion n’est jamais loin. L’intérieur familial, désuet, bourré de souvenirs, le repas du shabbat, le personnage tourmenté de la mère, interprété avec tant d’intensité par Agnès Jaoui.
Et puis l’image finale, sac au dos, Bellisha s’éloigne, au carrefour des chemins, vers où ?
Un film doux-amer, salutaire aussi, loin des vérités totalitaires.
Tessa Parzenczewski