Une lettre ouverte au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne. Ceci est une traduction d’une déclaration de l’EJJP (Juifs Européens pour une Paix Juste), dont l’UPJB est membre.
Nous, Juifs européens pour une paix juste, sommes profondément en désaccord avec votre récente suggestion selon laquelle l’utilisation du terme apartheid en lien avec Israël est antisémite.
Dans votre réponse écrite au Parlement européen du 20 janvier 2023, vous avez déclaré que la Commission européenne « considère qu’il n’est pas approprié d’utiliser le terme d’apartheid en relation avec l’État d’Israël ».
Votre déclaration se poursuit en affirmant que la Commission européenne utilise la définition de travail non juridiquement contraignante de l’antisémitisme de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (définition de l’IHRA) comme outil d’orientation pratique et comme base du travail de la Commission pour combattre l’antisémitisme.
Vous avez ensuite déclaré que « prétendre que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste fait partie des exemples illustratifs inclus dans la définition de l’IHRA ».
Ainsi, si l’on considère ces trois phrases ensemble, le cadre général est clair : l’utilisation du terme apartheid en relation avec Israël ne serait pas seulement inappropriée. Cela serait antisémite.
Le problème est que la définition de l’IHRA, adoptée en 2016 à Bucarest, crée la confusion et suscite la controverse, ce qui affaiblit en réalité l’importante lutte contre l’antisémitisme.
La définition de l’IHRA comprend 11 exemples d’antisémitisme, dont 7 concernent l’État d’Israël. Malheureusement, la définition de l’IHRA est trompeuse, mélangeant l’antisémitisme avec d’autres éléments, et a été politisée, utilisée et instrumentalisée par des groupes de pression pro-israéliens pour faire taire toute critique légitime d’Israël.
Il existe un besoin crucial et largement ressenti de faire une distinction claire entre ce qui est antisémite et ce qui est une critique politique totalement légitime d’Israël, de définir plus clairement les limites du discours politique légitime concernant Israël et les droits des Palestiniens, et de protéger un espace démocratique en Europe pour un débat ouvert sur Israël/Palestine.
Nous souhaitons vous renvoyer à la Déclaration de Jérusalem sur l’Antisémitisme (JDA), une initiative lancée en 2020 à Jérusalem comme alternative à la définition de l’IHRA, par un certain nombre d’universitaires internationaux travaillant dans les études sur l’antisémitisme et les domaines connexes, y compris les études sur les Juifs, l’Holocauste, Israël, la Palestine et le Moyen-Orient.
Selon les lignes directrices de la Déclaration de Jérusalem sur l’Antisémitisme, soutenir la demande palestinienne de justice et d’octroi intégral de leurs droits politiques, nationaux, civils et humains, tels que définis par le droit international, n’est pas antisémite.
Appeler à la pleine égalité de tous les habitants entre le Jourdain et la Méditerranée n’est pas antisémite.
Enfin, la critique fondée sur des preuves d’Israël en tant qu’État, de ses institutions, de ses principes fondateurs, de ses politiques et de ses pratiques, n’est pas antisémite. Il n’est pas antisémite de souligner la discrimination raciale systématique en Israël. Ainsi, même s’il est contesté, il n’est pas antisémite d’utiliser le terme d’apartheid en relation avec Israël.
La question de savoir si un État, quel qu’il soit, y compris Israël, commet ou non le crime d’apartheid est une question de droit international, liée à la manière dont ce crime est défini dans la Convention sur l’apartheid et dans les statuts de Rome de la Cour pénale internationale.
La liberté d’expression est un droit fondamental, consacré par la Convention européenne des droits de l’homme (article 10). Nous vous exhortons non seulement à lutter contre toutes les formes de racisme, mais aussi à défendre avec force la liberté d’expression en Europe.
Juifs Européens pour une Paix Juste (EJJP) Dror Feiler, Président
Yoav Shemer-Kunz