Mehdi Boudoukhane, un ami de l’école secondaire, dont le père, Sadok Boudoukhane, était un proche de l’UPJB, a partagé à Elias Preszow ce texte sur ce que provoque en lui le génocide en cours à Gaza.
Pour ma part, je le trouve juste et puissant dans sa simplicité. En septembre de cette année, le Kloub a organisé une rencontre autour du livre de Jean Lemaître, Au soleil de Sadok ! [KLOUB] Présentation du livre « Au soleil de Sadok ! » de Jean Lemaître – UPJB) et voici que le fils nous fait l’amitié de nous confier ses mots.
Pour les accueillir, cette citation de Jean-Luc Nancy, extraite de notes pour l’avant-propos du livre La comparution (politique à venir), co-signé avec Jean-Christophe Bailly en 1991, qui, peut-être, trouvera aujourd’hui une résonance profonde : « Reste donc à ne pas renoncer à guetter les chances, qui nous viennent « à pas de colombes ». Le geste de guetter prend toute son importance lorsque vient la nuit.
Un enfant n’est pas une cible.
Un souffle n’est pas un dommage.
Une vie n’est pas un prix à payer.
Aucune cause,
aucune mémoire,
aucune peur
ne rend acceptable qu’un enfant tombe sous les bombes.
Quand un enfant est tué,
ce n’est pas une statistique.
Ce n’est pas une opération.
C’est une blessure dans le coeur du monde.
I. Les mots qui effacent
Écoutez bien.
Ils parlent de « frappe ciblée ».
De « riposte ».
De « terroriste présumé ».
Ils tendent des mots entre nous et la vérité.
Pour ne pas voir.
Pour continuer.
Quand Fatima Hassouna,
jeune journaliste de vingt-cinq ans,
a été tuée à Gaza avec dix membres de sa famille,
dont sa soeur enceinte,
le communiqué a dit :
« Un membre présumé du Hamas se trouvait à proximité. »
Pas un mot sur la soeur qui n’accouchera jamais.
Pas un mot sur l’appareil photo de Fatima.
Pas un mot sur la maison effondrée.
Quand des hôpitaux sont frappés,
et que les bébés meurent faute d’électricité,
ils parlent de « dégâts collatéraux ».
Quand des immeubles s’effondrent,
ils parlent de « menaces éliminées ».
Quand un enfant est retrouvé sous les gravats,
le cartable encore au dos,
ils parlent de « bilan humain regrettable ».
Les mots servent à recouvrir les morts.
À étouffer ce qui crie encore.
II. La seule question
Quand tu ne sais plus quoi penser,
pose-toi une seule question.
Et si c’était ton enfant ?
Accepterais-tu qu’on détruise ta maison
au nom d’une « riposte » ?
Accepterais-tu qu’on efface ton enfant
sous l’expression « dommage collatéral » ?
Tu ne l’accepterais pas.
Tu hurlerais.
Tu exigerais qu’on appelle les choses par leur vrai nom.