Par Tessa Parzenczewski
Un premier film, un court-métrage, tourné en 2019 par ce jeune cinéaste ukrainien, d’après une nouvelle inachevée de Kafka qui commence ainsi: « Dans notre synagogue vit un animal de la taille approximative d’une martre. Il n’est pas rare qu’on puisse très bien l’observer, car il tolère l’approche des hommes jusqu’à une distance de deux mètres environ. Personne n’a jamais pu toucher son pelage, c’est pourquoi on n’en peut rien dire… »
Étonnement, un film en noir et blanc et parlant yiddish ! Il a fallu trouver en Ukraine des locuteurs en cette langue quasi disparue ainsi qu’une des rares synagogues qui n’a pas été détruite. Sommes-nous dans les années trente ? On pourrait le croire. Un jeune garçon, 12-13 ans, traque sans répit l’animal invisible. Littéralement obsédé, il parcourt des souterrains, des labyrinthes, qu’en plans répétitifs Orlenko filme à ras du sol, avec toute la richesse des multiples gris. Dévoré par la curiosité, le jeune garçon ne cesse d’interroger le rabbin, indifférent au reste du monde, jusqu’au camion et au mur… Et le rabbin: « Je n’ai pas le temps de te raconter plus et tu n’as pas le temps d’entendre ». Et là nous savons en quelles années nous sommes…
En 20 minutes, un film d’une intensité rare, déchirant, qui nous touche au plus profond.