[Edito #2] En hommage à Andrée Geulen

En hommage à Andrée Geulen

« Plus jamais ça pour qui que ce soit ». Cette profession de foi, il nous arrive de la clamer dans les manifestations. Nous l’adressons à ceux et celles pour qui « Plus jamais ça », cette leçon universelle de la Shoah, ne vaudrait que pour les Juifs. L’action d’Andrée Geulen, qui vient
d’être honorée comme Agnès Burniat, sa petite-fille, le rappelle ici, fut inspirée par le même sentiment.

Certain·es de nos ainé·es ont dû la vie à l’intervention d’Andrée Geulen, dont la figure nous inspire toujours aujourd’hui.
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Ce 7 septembre 2025, la rue Edmond Picard, à cheval sur les communes d’Uccle et d’Ixelles,
a été rebaptisée rue Andrée Geulen. Dorénavant, le nom d’une résistante remplace le nom
d’un antisémite.

Edmond Picard (1836-1924), avocat, écrivain, sénateur belge, fut aussi, comme le rappela
lors de la cérémonie Julie Ringelheim, un raciste, négrophobe et antisémite enragé, un
« préfasciste ».

Andrée Geulen (1921-2022), alors jeune institutrice de 21 ans, révoltée par le port de l’étoile jaune par les enfants juifs dans son école, rejoint en 1942 le Comité de défense des Juifs fondé par des résistants.

Avec une douzaine d’autres femmes, dont Ida Sterno, Esta Heiber et Yvonne Jospa, elle contribua à cacher et sauver plus de 300 enfants juifs.

Pour « Mademoiselle Andrée » comme l’appelaient ses enfants cachés, « Mamette » comme nous, petits-enfants, l’appelions, s’engager pour sauver des enfants était une évidence. Et de la même façon qu’elle n’a pas hésité à l’époque, elle a continué à se battre après la guerre contre toutes les formes d’injustices. Mamette et son mari, notre grand-père, Charles Herscovici, dont les parents ont été assassinés à Auschwitz, nous ont transmis leurs valeurs : la lutte contre le racisme et le colonialisme, l’engagement pour la paix, la défense des libertés et des droits humains.

Elle aurait été épouvantée par les massacres du 7 octobre 2023, comme par le génocide en cours à Gaza. Rien ne saurait justifier l’extermination d’un peuple.

Nadav Lapid, cinéaste israélien, interviewé récemment sur France Culture, racontait que la question récurrente posée aux enfants israéliens tout au long de leur parcours scolaire était, à propos de la Shoah : « Comment avait-il été possible de vivre comme si de rien n’était à côté de l’horreur, comment un tel aveuglement était-il possible » – et de conclure, en évoquant le massacre des Gazaouis : « Voici la réponse ». Comment ne pas réagir lorsque l’on est témoin de discriminations, de persécutions, de rafles, d’exécutions ? Comment ne pas réagir lorsque l’on est témoin de bombardements d’habitations, d’hôpitaux, d’écoles, lorsque l’on voit les corps décharnés d’enfants affamés ? Se souvenir d’Andrée Geulen, c’est se souvenir qu’il faut garder les yeux ouverts, ne pas se taire, et résister, encore et toujours.

Agnès Burniat, petite-fille d’Andrée Geulen