Ce premier numéro de Points Critiques, nouvelle formule, est consacré à Bruxelles. Ce thème nous l’avions choisi avant les attentats du 22 mars, mais après ceux du 13 novembre qui, faut-il le dire, avaient mis, déjà, sous les feux des projecteurs une de ses communes les plus emblématiques : Molenbeek. Molenbeek, une commune du « croissant pauvre » [1] de Bruxelles, ni « hellgate » ni « état islamique » mais commune paradoxale, à l’image de Bruxelles tout entière, avec ses lofts et ses sous-sols, ses curés et ses imams, ses travailleurs de rue et ses artistes, ses musées et ses souks, à deux pas de la Grand-Place et du « Manneken Pis ». Nous y consacrons plusieurs articles, dont une fiction.
Bruxelles, notre ville, où se côtoient 180 nationalités différentes, ce qui n’est pas rien quand on sait que le monde compte 193 pays reconnus officiellement aux Nations-Unies. Bruxelles, le monde dans la ville, comme le dit si justement l’historien Hans Vande Candelaere [2].
Bruxelles, notre ville, la métropole où sont arrivés nos aïeuls au siècle dernier, avant et après l’avènement du nazisme qui a failli les anéantir tous. Le Bruxelles de l’après-guerre, le Bruxelles de « Bruxelles transit » [3] ou de « Brussels by night » [4] deux films mythiques qui ont marqué ceux d’entre nous qui ont traversé la deuxième moitié du 20e siècle, ou le Bruxelles de Bruxelles, lieu commun, un livre écrit par quelques habitués de la maison en 1989 [5], ce Bruxelles-là n’existe plus. Depuis 1989, Bruxelles a connu une profonde transformation [6] qui a fait de cette capitale de la Belgique industrielle, la capitale de l’Europe post-industrielle, bloquant au passage l’ascension sociale et géographique de milliers de « nouveaux Belges » dans les quartiers ouvriers. Une ville prise en otage par les querelles communautaires et suburbaines des élites belgo-belges, selon encore Eric Corijn [7]. Une affirmation que les derniers événements et prises de becs post-attentats semblent corroborer.
Bruxelles, ville à l’image d’Hermès, le « plus juif des dieux grecs, polymorphe, musicien, commerçant, voleur », comme le suggère Jacques Aron [8] ? Sans doute, mais aussi assurément « Bruxelles sans ordre, sans plan, sans arrogance et sans haine, (…) la ville de l’effervescence et de la création, Bruxelles l’imaginaire, comme un tableau de Magritte, bâtie sur un pays rêvé, qui existe à peine et qui vit pleinement » [9]. Ce Bruxelles-là, imaginaire et énigmatique, comment mieux l’illustrer que par les œuvres de ce peintre de l’art brut, Richard Moszkowicz, présenté au Parcours d’artistes de la maison UPJB, au 61 rue de la victoire [10] ou par les croquis de Raphaël Geffray, intitulés « Café théâtre » glanés dans plusieurs de ces innombrables cafés, que compte Bruxelles et qui font sa marque.
Bruxelles, forever, ces mots inscrits à la craie sur le sol devant la Bourse, le jour même des attentats, ce sera notre leitmotiv, vous les trouverez tout au long de ce numéro au-dessus des articles consacrés à Bruxelles comme un hommage à cette ville qui résiste.
Mais ce numéro contient également d’anciennes et de nouvelles rubriques.
Points Critiques, la revue de l’UPJB depuis bientôt 36 ans, poursuit sa route de revue juive progressiste ou progressiste juive, c’est selon, selon la sensibilité de chacun, mais ce qui est certain c’est que ces deux mots sont indissociables. Dans le registre juif progressiste, vous trouverez nos pages Israël-Palestine et la rubrique yiddish, ainsi qu’une nouvelle rubrique « Pilpoul », quelques pages consacrées à cette gymnastique de l’esprit typiquement juive, qui consiste à démontrer que des avis différents ne sont pas forcément contradictoires. Dans ce numéro de mai nous inaugurons le pilpoul par des points de vue, sans doute plus progressistes juifs, que juifs progressistes, sur un sujet brûlant, l’Islamophobie.
Points Critiques reste aussi la revue de l’UPJB, nous y consacrons les dernières pages avec un plongeon dans les activités de nos membres les plus dynamiques, les « anciens », du Club Sholem Aleichem, et les jeunes du mouvement UPJB-jeunes ainsi que dans l’agenda de nos activités multiples et variées.
Points Critiques papier paraitra tous les deux mois désormais, (le prochain numéro sera daté de septembre puisque nous ne paraissons ni en juillet ni en août) mais sera relayé par les réseaux sociaux : newsletter, site web et pages Facebook, pour votre meilleure information au quotidien.
Bonne lecture.
Couverture (illustration ci-contre) : Antonin Moriau
Notes
[1] Un ruban de communes qui s’étend comme un croissant autour de Bruxelles-Ville, Saint-Josse,-ten-Noode via Schaerbeek, Molenbeek et Anderlecht jusqu’à Saint-Gilles
[2] Hans Vande Candelaere : Bruxelles, Un voyage dans le monde, ASP, 2013
[3] film de 1980 réalisé par Samy Szlingerbaum avec Hélène Lapiower et Boris Lehman
[4] film de 1983 de Marc Didden que vous retrouverez dans les Humeurs d’Anne Gielczyk, p. 28
[5] aux éditions Ercée (voir également p. 5)
[6] voir l’article de Eric Corijn « Bruxelles, revue et corrigée » p. 5-7
[7] ibidem
[8] Voir plus loin, « Mon Bruxelles », p. 35
[9] Laurent Joffrin : Le chagrin des Belges, Libération 23 mars 2016