[Conférence-débat] « Le désir de mémoire : contre l’instrumentalisation de la mémoire de la Shoah » de Vincent Engel

Conférence-débat avec Vincent Engel autour de son dernier essai (Editions Karthala). En collaboration avec le journal « RésistanceS ».

Depuis 75 ans, l’Occident tente de digérer le désastre absolu qu’il a provoqué et subi à la fois : la Shoah. Tout ce qui fondait la fierté, l’orgueil de l’Europe – sa culture, ses valeurs, sa « civilisation » – a été remis en cause, bouleversé par ce crime sans précédent. L’idée de la « solution finale », sa mise en œuvre active, la tolérance passive ; comment cela a-t-il été possible ?

Depuis 75 ans, nous tentons de comprendre ce « passé qui ne passe pas », pour reprendre les mots de Ricoeur. Mais nous voulons que les jeunes en fassent un élément fondateur de leur mémoire. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, la jeunesse n’a été sommée de répondre à un devoir aussi impérieux et extravagant. Le « devoir de mémoire » est devenu un dogme qu’il est malvenu de remettre en question, sous peine d’être accusé de révisionnisme, voire de négationnisme.

Pourtant, cela ne va pas de soi. Pourtant, les jeunes ne comprennent plus pourquoi ils « doivent » faire mémoire de la Shoah plus que d’autres génocides, plus que d’autres drames.

Pourtant, il est nécessaire de se souvenir.

Si l’on met le « devoir » de côté, on est alors en mesure de réfléchir à ce qu’est la mémoire ; comment elle s’articule au réel, comment elle est instrumentalisée, quels sont ses parts d’omission, quel est le rôle de l’oubli dans la remémoration…

Tel est le propos de cet essai : toute mémoire est d’abord un récit construit sur un réel définitivement hors de portée. Si l’on veut qu’une mémoire soit vivante, si l’on veut qu’elle ne soit pas exclusivement tournée vers la mort, il convient de poser les termes d’une mémoire qui aide à vivre. Il convient de substituer le désir au devoir.

Vincent Engel est professeur à l’université de Louvain, écrivain, dramaturge et chroniqueur. Très impliqué dans le débat public, il collabore au collectif Carta Academica, prônant un engagement dans le débat public des universitaires. Il travaille sur la littérature des camps depuis plus de 30 ans.

Modérateur : Laurent Vogel