Le Procès, Prague 1952 : Projection et rencontre avec la réalisatrice, Ruth Zylberman

L’UPJB projettera le film « Prague 1952 » en présence de la réalisatrice Ruth Zylberman.

Dans « Prague 1952 », Ruth Zylberman jette une lumière particulièrement crue sur la dimension antisémite des purges menées dans les années qui sont suivi la deuxième guerre mondiale tant en URSS que dans les pays satellites.  Elle a construit son film à partir d’archives récemment exhumées et de poignants témoignages, des membres de la famille de trois des principales victimes du procès.

Ce film confirme le talent de Ruth Zylberman qui avait déjà reconstruit l’histoire d’un immeuble populaire à Paris dans le documentaire et le livre consacrés au 209 rue Saint-Maur – Paris Xe ». On peut revoir la conférence que Ruth Zylberman avait consacré à ce livre pour l’UPJB :  https://www.youtube.com/watch?v=sMzCec2FcmU

Par rapport aux autres sources (comme le témoignage d’Artur London qui a inspiré le film « L’aveu » de Costa-Gavras), Ruth Zylberman ne se limite pas à montrer la quasi-impossibilité de se défendre de la part de personnes qui avaient cru aveuglément dans l’infaillibilité de leur parti. Elle démonte aussi la dynamique anti-sémite de ce procès qui combine des formes traditionnelles d’antisémitisme réactionnaire (« le juif apatride prêt à trahir »)  avec des accents nouveaux, propres au stalinisme, qui étendent l’accusation de « sionisme » à l’ensemble des Juifs.

Le point de départ de ce film est la découverte en 2018 des bobines d’un film qui avait été tourné pour présenter de manière positive le procès de Prague. Lorsque l’on revoit ces scènes, plus de soixante ans plus tard, l’effroi vient de leur absence complète de crédibilité. Comment, à l’époque, les propagandistes ont pu penser que leur film contribuerait à renforcer le régime ? Quelle perversion de l’esprit permettait de célébrer le spectacle d’hommes défaits par la torture et lisant de manière mécanique un texte totalement absurde ?

Le public d’aujourd’hui est confronté à ces images glaçantes d’une farce de procès. Ce sont quatorze hauts responsables, Juifs pour la plupart, qui sont déclarés et qui avouent être des « traîtres trotskistes-titistes-sionistes ». Par la torture et les menaces, lors d’un macabre simulacre de justice méthodiquement mis en scène, ces hommes sont contraints à faire l’aveu public de leur culpabilité, récitant par cœur des crimes imaginaires et appelant eux-mêmes à une sentence de mort. Onze d’entre eux seront condamnés à mort et pendus.

Ruth Zylberman retrace la trajectoire complexe de trois de ces hommes (Rudolph Slansky, Artur London et Rudolph Margolius). Elle recueille le témoignage poignant de leurs familles brisées.

C’est un film d’une importance particulière pour notre organisation qui a longtemps sous-estimé l’antisémitisme stalinien. Loin d’être un moment de folie au crépuscule de la vie d’un dictateur, c’est une politique, mise en œuvre pendant plusieurs décennies. Elle a eu des conséquences profondes sur le monde juif de l’Europe de l’Est. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, elle a expulsé de cette partie du monde la majorité des Juifs ayant survécu à la Shoah et leurs descendants. Dans la Russie actuelle de Poutine, l’antisémitisme traditionnel de l’époque impériale tsariste a fini par fusionner avec l’antisémitisme stalinien. Depuis le début de la guerre en Ukraine, il se déchaîne avec virulence.