Avec « La vallée des âmes » (« Tantas almas », 2019, 137 minutes), Nicolas Rincón Gille a réalisé son premier long métrage de fiction. On y retrouve le fleuve Magdalena.
En 2002, José rentre chez lui au coeur de la forêt après une longue nuit de pêche. Il découvre que les forces paramilitaires ont tué ses deux fils, Dionisio et Rafael, et ont jeté leurs corps dans la rivière. Le passage du documentaire à la fiction permet à la fois une distanciation dans le récit d’une répression atroce qui reste une des facettes de la Colombie d’aujourd’hui. Les personnages ne sont pas représentés par des acteurs professionnels. Ce sont des paysans et des pêcheurs qui reconstituent ce qui a été le quotidien de leur communauté une dizaine d’années auparavant. Le film a déjà reçu plusieurs prix. Le plus bel hommage nous paraît cependant la ferveur avec laquelle la population de la région a pu la voir lors d’une projection organisée en décembre 2021.
Le noyau thématique et narratif de La vallée des âmes, tout comme les travaux documentaires précédents de Nicolás Rincón Gille, est la tradition orale comme élément de création face à la violence. C’est la parole populaire, et non savante, enrichie par l’héritage des générations qui l’ont écoutée et répétée pour donner sens à ce qui s’est passé et à ce qui se passe, qui fait le lien. Cette parole arrive à construire un monde riche, magique et, très souvent, surprenant. Un monde et des réalités qui résistent à la violence.