[Séminaire philo] Vers la cohabitation. Judéité et critique du sionisme

Deuxième séance du séminaire philo proposé par Catherine Bubhinder consacré à l’exploration du livre de Judith Butler, Vers la cohabitation. Judéité et critique du sionisme, édité chez Fayard en 2013.

Ce séminaire se tiendra un jeudi par mois, de 19h à 21h, aux dates suivantes : (jeudi 28 mars, terminé), jeudi 18 avril, jeudi 16 mai, jeudi 20 juin.

Contenu deuxième séance: à venir.

Au fil des séances, nous explorerons les concepts clés abordés par Butler, tels que la judéité, le sionisme, et les enjeux politiques et éthiques en Israël-Palestine. À travers cette exploration collective, nous chercherons à construire une pensée critique et engagée, en réfléchissant aux implications de ces idées dans notre contexte actuel.

Ce séminaire sera une occasion unique de dialoguer, d’apprendre et de réfléchir ensemble à des questions cruciales pour notre temps. Rejoignez-nous pour cette aventure intellectuelle stimulante et enrichissante !

Renseignements et inscriptions (obligatoire) à l’adresse info@upjb.be.

Prix: 7-5-3€


Quelques mots de Catherine Buhbinder :

L’idée d’organiser, à l’UPJB, un séminaire de philosophie, à partir du livre de Judith Butler (membre du bureau universitaire de l’organisation américaine « Jewish Voice for Peace ») était déjà en moi avant les événements du 7 octobre 2023. J’ai été secouée par ma lecture de son livre « Vers la cohabitation, judéité et sionisme » (édité chez Fayard en 2013), dans lequel je me suis grandement « retrouvée » en tant que philosophe, en tant que juive et en tant que membre de l’UPJB ! Il y est question, bien sûr, d’une critique du sionisme ; mais pas seulement. Car, si ce qui se passe en Israël-Palestine (l’occupation, les exactions, l’assujettissement colonial, l’expulsion et la dépossession, la violence d’Etat, …), nous heurte, nous horrifie, nous hante, cela nous horrifie en tant que nous sommes juifs et qu’Israël se prétend le pays de tous les juifs. Qu’en est-il alors de notre judéité que l’on nous présente comme honteuse ? Alors que nous souffrons, à l’UPJB, de ne pas savoir comment assumer cette impression infernale de jouer au bon juif et d’être en porte à faux par rapport à toute la communauté, Judith Butler nous aide à penser que nous ne sommes pas seuls, et à formuler les outils pour donner de la consistance et de la force à cette sensibilité qui est la nôtre. Judith Butler reprend une série d’« écrits juifs » et aussi non-juifs de quelques auteurs qui me sont très chers, pour construire à la fois une critique de ce qui se passe en Israël et aussi une pensée actuelle. Et, pour ma part, je n’avais encore jamais mis tous ces auteurs ensemble de cette façon ! Par exemple, c’est chez Hannah Arendt qu’elle trouve la critique la plus radicale de l’Etat-Nation. L’idée que « nul ne soit en droit de choisir avec qui cohabiter sur terre », tirée de son étude du judéocide, devient, chez Butler, un point de départ pour penser la subordination, la destruction et l’expulsion violente des Palestiniens. Il n’y a, démontre-t-elle ainsi, aucune justification légitime au sionisme dans le cadre de l’égalité politique. Chez Benjamin, Butler trouve les outils conceptuels pour parler de la violence étatique, à l’opposé de la violence révolutionnaire des opprimés. De Levinas, elle emprunte l’exigence éthique de ne pas tuer ceux dont on voit le visage. Etc. Mais elle montre aussi que ces penseurs doivent néanmoins être replacés dans le contexte de leur époque. Car, ils n’étaient pas exempts non plus de réflexes coloniaux et d’un certain centrisme européen. C’est alors chez Saïd, philosophe palestinien, qu’elle trouve une pensée de l’Autre, « l’oriental », le colonisé. Et, ce n’est peut-être pas un hasard que ce soit un philosophe Palestinien qui nous invite à entrevoir des similitudes de destins entre le peuple juif et le peuple palestinien. C’est sur cette base, espère-t-elle, que pourraient en tous cas, se dessiner quelques ouvertures et perspectives de paix. En bref, si derrière ces analyses se profile ce que l’on pourrait appeler une « philosophie juive », je comprends mieux, avec Judith Butler, que cette question de la judéité n’a de sens qu’intégrée dans des problématiques et des combats concrets, une réalité historique. Si elle se déploie comme une dynamique dispersive et de confrontation, celle-ci ne peut être que juive/non juive. Et, c’est dans l’idée de cohabitation que nous pouvons développer une nouvelle espérance utopique.

Depuis le 7 octobre, ces questions ont acquis une véritable urgence. Elles se sont parfois clarifiées toutes seules, dans une sorte d’accélération de l’Histoire. Au point qu’il peut sembler indécent de réfléchir encore à notre identité alors qu’il nous faut penser un génocide !  C’est ce qui me retient et en même temps me stimule dans l’organisation de ce séminaire : Comment être à la hauteur des événements ? Comment faire retour en arrière ou en retrait, pour mieux aller de l’avant ? Je ne suis pas Judith Butler et je ne peux que marcher dans ses traces, deviner ce qu’elle dira, guetter ses paroles. Et en même temps rester au mieux disponible et engagée dans l’actualité elle-même.

L’idée d’organiser un séminaire de philosophie à l’UPJB est à la fois nouvelle et, en même temps, complètement traditionnelle. Nouvelle, en ce que, selon l’ADN marxiste de l’UPJB, on y serait plutôt branchés « politique » ou histoire, que philosophie. Mais, elle est aussi traditionnelle, car il est de tradition, à l’UPJB de se donner les outils pour réfléchir, ensemble, à ce qui nous importe ! Ce séminaire sera loin d’être un cours de philosophie. Je tâcherai d’être « passeuse » ! Ce qui veut dire mettre à disposition une pensée qui m’incombe et me tourmente, à partir de mon propre effort pour la comprendre. J’aimerais, avec les outils pédagogiques que je possède, organiser un « atelier » ouvert et collectif où l’on arpentera le livre ensemble, selon nos désirs, questions et rythmes partagés.