Hommage à Paul Tellier

Paul Tellier s’en est allé pour toujours.

Il était membre de l’UPJB, peu présent en nos locaux mais fidèle, attentif à toutes nos publications et très sensible à nos points de vue. On le connaissait surtout comme le compagnon de Nicole Gere, notre trésorière, et récemment comme artiste, sculpteur sur bois puisqu’il avait présenté une œuvre au parcours d’artistes du 61.

On n’oubliera pas cet homme attentionné, à la moustache généreuse, aux allures impressionnantes de barde breton à la voix caverneuse. Pédagogue, philosophe, poète, artiste et artisan, animateur et homme de théâtre, c’était aussi un bâtisseur puisqu’il avait construit quasiment de ses mains sa maison, conçue en complicité avec l’architecte Schuiten (1) ;  ce lieu assez incroyable à Coutisse dans la campagne d’Andenne, qui a accueilli plusieurs fois nos réunions de conseil d’administration.

Paul est né en 1939, au cœur du Borinage, dont il avait gardé la fibre sensible et tenace.

Son héritage spirituel était celui du protestantisme, qui l’avait conduit à étudier la théologie, puis à être envoyé au Congo en mission de coopération, et par après à être professeur de religion. Marqué dans sa jeunesse par la personnalité de Gandhi il en a gardé le côté rebelle et intègre qui l’ont souvent conduit à des tensions avec les institutions.

De 1966 à 1972, il a construit, dans tous les sens du terme, et dirigé avec une équipe de passionnés, une école secondaire dans la brousse congolaise, près de Lubumbashi. Outre son travail de professeur, il y a monté de nombreuses pièces de théâtre avec les élèves, et il y était très aimé. Un livre intitulé Chibambo, du nom de l’école, a été publié en 2018 sur cette expérience d’exception, étonnant ouvrage collectif de témoignages à découvrir (2). Il n’était cependant pas apprécié par la hiérarchie, ce qui l’a obligé finalement à rentrer en Europe. Il dirigea ensuite un centre culturel à Périgueux où, comme le restant de sa vie il a monté quantité de spectacles de théâtre pour amateurs ; c’était une de ses passions, apprises sur le tas, au même titre que la menuiserie et la sculpture du bois, cette matière qui le fascinait. Cet amour du bois et des arbres, l’a notamment conduit à écrire et publier un très beau recueil de poèmes « L’arbre Fou » :

…Je suis arbre

 arc en ciel et terre

je les poursuivrai de questions

racines, griffes acérées

ramures, serres dressées

et mes sèves se moqueront

d’aval et d’amont

elles iront

belliqueuses et blessées… (3)

Dans son magnifique jardin autour de la maison magique, Paul cultivait un grand parterre de mousses qu’il entretenait amoureusement sous un petit bois de chênes, dans lequel il nous fallait veiller à nettoyer et ne pas malmener cette fragile végétation. Il a participé plusieurs années de suite à l’événement de land art et de sculpture en forêt, organisé à Gesves. Il reste encore l’une ou l’autre trace de ses réalisations dans les bois. Sa dernière œuvre sculptée fut celle de cette bibliothèque ligneuse présentée dernièrement à l’UPJB. Il y valorisait le travail étonnant et si esthétique des vers à bois qui se nourrissent et creusent des galeries entre l’écorce et les troncs, comme une forme d’hommage final d’humilité face à la beauté sauvage et créative de la nature.

Paul était un grand admirateur de Cervantès et en particulier le personnage de Don Quichotte l’habitait, il en collectionnait les évocations sous toutes les formes.

Nous transmettons à son épouse Nicole et à sa famille, nos pensées les plus émues et notre amitié.

 

A.L.

 

Notes :

(1) Il s’agit du frère du dessinateur de BD, les boiseries de la maison d’ailleurs sont imprégnées d’art nouveau.

(2) Chibambo, là-bas coule le fleuve, Récit choral initié par Paul Tellier, 2018

(3) L’arbre fou, traversée, collection Saint Germain des Prés. 1999. Librairie-Galerie Racine. Paris