Sarah Halimi : une nouvelle affaire juive ?

par Henri Goldman

Sarah Halimi fut défenestrée à Paris en avril 2017 par un de ses voisins, Kobili Traoré, au cri de « Allah Akbar ». Le 14 avril, au terme d’une longue procédure, la Cour de Cassation a confirmé l’irresponsabilité pénale du meurtrier qui ne sera pas déféré devant la Cour d’Assises. Cette décision de Justice a provoqué une intense émotion dans la communauté juive française qui s’insurge contre le refus de poursuivre devant les tribunaux un acte dont le caractère antisémite a pourtant été reconnu. Mais le meurtrier avait agi sous le coup d’une « bouffée délirante » stimulée par une prise massive de cannabis, quoique le trouble psychiatrique dont son état témoignait était plus profond. C’est ce qu’ont établi les sept experts qui l’ont examiné, dont Paul Bensussan qui explique, dans Marianne, pourquoi « l’irresponsabilité pénale s’imposait ». Kobili Traoré échappera à la prison, mais le sort qui l’attend dans une institution psychiatrique fermée n’est assurément pas plus enviable.

Le principe selon lequel « on ne juge pas les fous » ne se discute pas en droit français. Mais l’émotion a été telle que le président Macron envisagerait de réviser la loi qui la fonde « en surfant sur l’émotion ». Dans de nombreux cas similaires, ce type de décision n’a pas fait de vague, mais la suspicion d’antisémitisme lui donnait ici un autre retentissement. Une campagne s’est mise en branle qui n’hésite pas à parler de complaisance face à un « nouvel antisémitisme ». On peut en lire l’analyse nuancée sur le site de l’association Memorial 98, qu’on ne peut suspecter de complaisance à l’égard de l’antisémitisme.

En Belgique, le CCOJB a relayé l’émotion des Juifs français dans cette carte blanche, où il conteste à son tour l’avis des experts. Son texte a été cosigné par une brochette de parlementaires. Avec une élue du CDH, on n’y trouve que des élus libéraux (9) et de Défi (3), soit les deux partis qui draguent ouvertement l’électorat juif. Personne du PS, d’Ecolo ou du PTB, comme si ces partis étaient insensibles à l’antisémitisme. Prendre cette lutte nécessaire en otage dans la concurrence politique entre la gauche et la droite n’est pas le meilleur service qu’on puisse lui rendre.

 

© Photo : Claude Truong-Ngoc – Collage pour Sarah Halimi à Paris rue des Deux-Ponts