La situation sanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique. « Catastrophique » est un mot faible pour dire ce qui se passe là depuis bien avant l’apparition du COVID-19. En 2016, un rapport de l’ONU concluait que la bande de Gaza pourrait devenir « invivable » en 2020, en raison du blocus israélien qui conduit à un approvisionnement limité en énergie et en eau, à la dégradation du système de santé et au très fort taux de chômage. Nous y sommes. Avec la présence de personnes infectées par le coronavirus à Gaza, on peut s’attendre au pire. Cette lettre est un appel au secours. Ne pas intervenir dans le sens que nous demandons serait de la non-assistance à deux millions de personnes en grave danger.
Lettre initiée par ECCP (Coordination Européenne des Comités et associations pour la Palestine) et adressée aux ministres des Affaires étrangères de États membres de l’UE.
17 avril 2020
Bruxelles, le 15 avril 2020
À l’attention de :
M. Josep Borrell Fontelles, Haut-représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères
M. Philippe Goffin, ministre des Affaires étrangères
M. Alexander de Croo, ministre de la Coopération au développement
Concerne : Appel pressant pour une aide d’urgence à Gaza – levée immédiate du siège !
Monsieur le Haut-Représentant,
Messieurs les Ministres,
Face à la pandémie de coronavirus, les gouvernements du monde entier prennent des mesures d’urgence de façon à protéger la santé de leurs citoyens et stabiliser leurs économies.
Pour près de 2 millions de personnes de la bande de Gaza occupée et assiégée, avec les 12 cas de COVID-19 confirmés au 1er avril et deux mille personnes soupçonnées de contamination en quarantaine, la situation frôle la catastrophe. Les instruments, les lits de soins intensifs et les moyens de prévention pour faire face à l’éventualité d’une propagation de la contagion manquent ou sont tout à fait inadaptés. Dans cette situation, répondre de manière efficace à la crise actuelle est impossible à Gaza.
Plus d’une décennie de blocus illégal et de fréquentes attaques brutales de l’armée israélienne font que 2 millions de gens vivent dans un état de surpeuplement désespérant, un environnement marqué par l’exiguïté et des conditions de logement désastreuses, avec notamment un déficit de 60 % d’équipements médicaux, une fourniture d’énergie électrique drastiquement limitée, une malnutrition massive et l’eau courante dans seulement un logement sur dix.
La prévision de l’ONU selon laquelle Gaza serait inhabitable en 2020 est pleinement devenue réalité, comme l’a plusieurs fois rappelé Michaël Lynk, le Rapporteur spécial de l’ONU pour le Territoire palestinien occupé. Le panel d’experts de l’ONU sur la crise sanitaire a demandé à ce qu’il n’y ait aucune exception avec le COVID-19, car « chacun a droit à ce qu’on intervienne pour sa survie ». [1]
En dépit de la préoccupation exprimée par Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, devant le manque de ressources dans les camps de réfugiés, dans les villages déplacés [2] et malgré l’appel à ne pas faire de la crise sanitaire [3] une guerre, Israël ne fournit pas le soutien nécessaire et adapté aux structures de soins de Gaza auquel il est tenu en tant que puissance occupante, en contrevenant à et en s’exemptant constamment de ses obligations. La communauté internationale ignore depuis trop longtemps la situation critique des Palestiniens de Gaza. Jusqu’à présent l’Europe s’est montrée incapable de se tenir a ses principes et déclarations et de mettre fin à sa complicité avec le système israélien d’occupation, d’apartheid et de colonisation de peuplement.
Les Palestiniens doivent pouvoir accéder à des traitements médicaux et nous avons le devoir de les soutenir en mettant fin aux restrictions imposées par Israël. En vertu de la Quatrième convention de Genève, Israël, en tant que puissance occupante, est tenu d’assurer la sécurité et le bien-être des populations civiles dans les zones sous son contrôle. Le blocus permanent d’Israël sur la bande de Gaza est une mesure qui prive sa population de nourriture, de carburant et d’autres biens de première nécessité ; il constitue une forme de punition collective, en violation de l’article 33 de la Quatrième convention de Genève.
Nous en appelons donc à l’Union européenne et aux gouvernements européens, dont le gouvernement belge, pour :
- Prendre immédiatement toutes mesures économiques et politiques, y compris des sanctions et des mesures de rétorsion sous l’égide du droit international, pour faire pression sur Israël afin qu’il mette fin au siège de Gaza ;
- En liaison avec les ministres de la santé de Gaza et de Cisjordanie, assurer la livraison directe aux autorités publiques locales de cargaisons adéquates des fournitures médicales et sanitaires nécessaires à la détection du coronavirus et pour la prise en charge des personnes affectées ainsi que des éléments nécessaires à la prévention de la propagation du virus dans la communauté et dans les hôpitaux locaux.
Permettre à ceux qui ne peuvent être traités à Gaza d’avoir accès effectivement à d’autres hôpitaux.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Haut-Représentant, Messieurs les Ministres, l’expression et l’assurance de notre indéfectible attachement aux droits humains.
Signataires :
ABP (Association Belgo-Palestinienne WB) ; BACBI (Belgian Campaign for Academic and Cultural Boycott of Israel) ; Centrale Générale – FGTB ; Intal ; MOC (Mouvement ouvrer Chrétien) ; Palestina Solidariteit ; SolSoc ; UPJB (Union des Progressistes Juifs de Belgique) ; Viva Salud ; Vrede vzw
[1] https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25746&LangID=E
[2] https://www.un.org/press/en/2020/sgsm20021.doc.htm
[3] https://www.un.org/press/en/2020/sgsm20023.doc.htm