De janvier à juin 2025, l’UPJB projette un cycle de films : « La Shoah dans le cinéma d’Europe de l’Est ». Dans ce cadre, nous projetterons le film « L’incinérateur des cadavres » le dimanche 23 février à 16h
Tourné à Prague en 1968 par Juraj Herz, d’après un roman de Ladislav Fuks, dans la foulée du renouveau du cinéma tchécoslovaque, sorti en 1969, mais bientôt interdit dans tout le territoire de la Bohême, la normalisation imposée par les chars russes est passée par là, ce film d’une férocité rare, nous plonge dans l’univers inquiétant d’un entrepreneur de pompes funèbres, monsieur Kopfrkingl, pour qui l’incinération semble un sacerdoce. Dès les premières images, visite familiale au zoo, serpents, panthères en gros plans, prédateurs à l’affût dans leurs cages, le ton est donné.
Nous suivons Kopfrkingl dans son quotidien. Vie familiale, petite bourgeoisie banale, détails anodins. Mais rien n’est anodin, lentement le malaise s’installe. L’entreprise se développe, la promotion de l’incinération pour remplacer les funérailles traditionnelles progresse et… les temps changent. Les nazis sont à Prague. Kopfrkingl monte en grade, son efficacité impressionne. Et pourquoi ne pas voir plus grand ? Des immenses fours crématoires ? L’heure est aussi à la célébration du sang pur, Kopfrkingl serait-il un peu allemand ? Et sa femme, un peu juive ?
Le film brasse une foule de questions. Et surtout, comment une idéologie pernicieuse et criminelle parvient-elle à imprégner totalement certains individus ?
Rudolf Hrusinsky qui incarne Kopfrkingl ne quitte pas l’écran. Mielleux, machiavélique, souvent en gros plans, il exprime toute la charge maléfique du scénario. On n’oubliera pas de sitôt les visites récurrentes dans le Palais de la Crémation, aux cercueils richement ornementés, parfois ouverts…
Rarement film a été reçu de façons aussi diverses. Certains y ont vu de l’humour noir, d’autres uniquement de la férocité, mais au-delà des appréciations subjectives, reste un art cinématographique magistral, une manière de filmer jamais gratuite, sans temps morts, où le noir et blanc renforce l’intensité des images et des acteurs qui tous ont littéralement intériorisé l’immense malaise qui baigne tout le film.
Tessa Pazenczewski