Lucy Grauman – Seder 2017

Merci de m’avoir invitée à parler ici, de la résistance et ce en lien avec l’histoire de l’UPJB.

Nous célébrons la libération du peuple juif dans des temps très anciens,

En fuyant la tyrannie et l’esclavage en Egypte pour se rendre, vers le nord, vers une terre où coulent le lait et le miel.

La force et l’énergie qui permet de partir sont celles de personnes ayant la volonté de chercher une vie meilleure ailleurs.

Cet épisode de la Bible a servi de référence pour d’autres peuples, d’autres esclaves, d’autres libérations…

Et d’autres modes d’émancipation.

Je pense aux esclaves des Etats Unis.

Dans leurs chants religieux, la référence à la sortie de l’esclavage est une aide spirituelle, mais pas seulement. Elle condense une idée qui donne la force de se battre sur terre pour défendre ses droits et sa dignité. Je suis convaincue que chanter ensemble contribue à forger cette volonté.

Quand je lis des témoignages de résistants juifs pendant la deuxième guerre mondiale, (comme ceux d’Ignace Lapiower et de Bernard Fenerberg)

Cela me donne du courage. Cette réaction de refus de l’horreur, me donne à moi lectrice un souffle, une respiration, alors qu’on est projeté dans la lecture, alourdi par le monde de menace, d’étouffement, d’écrasement.

La résistance, elle se fait avec d’autres, on se rassemble, on agit.

C’est par le lien avec d’autres qu’on renforce son courage et sa détermination. Le poids est réparti : on porte ensemble.

Aujourd’hui on a en Belgique beaucoup de combats à mener pour une vie meilleure :

Pour soi, pour les autres et pour le futur.

Sans aborder les monstruosités qui se passent aujourd’hui et qui laissent sans voix, je voudrais évoquer des petites formes de résistances.

Alors qu’on nous pousse à rester seul devant nos écrans, seul pour faire du télé travail, communiquer avec des gens sans même les rencontrer physiquement, se faire accueillir à l’hôpital par un robot, rencontrer un psychiatre par le biais d’un questionnaire :

C’est un peu de la résistance d’aller au café, de chanter dans des chorales, de faire du théâtre, aller à des manifs, faire des actions, discuter, changer d’avis, hésiter,

L’absence des autres me fait très peur.  Et pourtant nous sommes seuls dans notre corps, dans ce que nous ressentons et comment nous vivons. Seuls avec nos pensées et nos ombres.

Je vais conclure avec Paul Celan.

Poète originaire de Bukovine, de langue maternelle allemande, il est né en 1925 et s’est suicidé à Paris en 1970.

La mort de ses parents assassinés par les nazis et le monde anéanti par la guerre ont déterminé son combat poétique.

La poésie de Paul Celan est une écriture qui réinvente la langue allemande.

Elle donne une voie à comment écrire de la poésie après Auschwitz.

Comment résister à la souillure de la langue ?

Le poème très court que je vais lire est tiré d’un recueil publié après un long séjour en hôpital psychiatrique au début des années 60.

Le titre du recueil est Atemwende

Traduit par « Renverse de souffle », qu’on peut comprendre comme ce moment où le souffle change de direction dans notre corps et devient Parole, Chant, Poème.

Dans les fleuves au nord du futur,

Je lance le filet

Qu’hésitant tu alourdis

D’ombres écrites par

Des pierres 

 

In den Flüssen nördlich der Zukunft

Werf ich das Netz aus, das du

Zôgernd beschwerst

Mit von Steinen geschriebenen

Steinen