[Points Critiques] Confinement avec une Black First Lady

Marianne De Muijlder

18 Mars 2020. Les librairies ferment. Mais concurrence déloyale, le ‘Grand Carrefour’ reste ouvert avec un rayon livres très bien achalandé…. En tête de gondole, comme on dit, ‘Devenir’ de Michelle Obama, 755 pages, parfait pour le ‘Restez chez vous’. Le voilà donc dans le caddie à côté des pâtes, légumes et vins bios.

Mais dès les premières pages, mon petit sourire narquois se fait la malle et je me surprends à presser le pas, à écourter ma promenade journalière, pour retrouver l’odyssée de cette petite fille d’un quartier populaire du South Side, à Chicago, arrière-arrière-petite-fille d’esclave, qui devient un jour la première « Black First Lady » des Etats-Unis. Un récit authentique à l’écriture fluide où l’on comprend qu’au défi de réussir quand on est une femme parmi les hommes, s’est ajouté pour Michelle Obama celui de réussir quand on est une femme noire dans un monde d’hommes blancs.

Car c’est une lutte de tous les jours pour passer de l’école du quartier à un bon lycée, du bon lycée à Princeton, de Princeton à la faculté de droit de Harvard et devenir enfin avocate. Le lecteur découvre page après page, le racisme ordinaire et pernicieux qui demande à chaque fois d’être plus à ‘la hauteur’ que les autres, d’avoir une volonté de fer pour ne pas jeter l’éponge et retourner parmi les siens, se marier, avoir des enfants et se contenter de ce ’bonheur-là’.

Elle est donc cette lycéenne qui a pour amie une des filles du pasteur Jesse Jackson, un proche de Martin Luther King, avec qui elle participe à sa première manifestation, puis une universitaire qui découvre le monde des filles et fils des nantis ‘blancs’, ensuite une avocate (dans un cabinet où parmi 400 juristes , il y a quatre afro -américains) qui veut prendre sa revanche, gagner de l’argent, habiter de l’autre côté de Chicago, dans ces rues chics où passait son bus scolaire, emportant les enfants noirs vers d’autres destinées …

Mais … arrive le jeune avocat Barack, un Blanc et Noir, Africain et Américain qui n’a qu’une idée en tête : lutter contre les inégalités, affirmer les droits des Noirs (comme celui de voter)… bref, le futur Monsieur Yes We can!. La suite, c’est non seulement une belle histoire d’amour (et j’aime ça) mais aussi et surtout le récit d’une passion pour changer la donne par l’accès à l’éducation, aux soins de santé pour les plus défavorisés, pour les femmes et pour ‘les sœurs et frères’ de couleur. Michelle quitte son prestigieux cabinet d’avocats pour travailler à la mairie de Chicago, à la direction d’un hôpital public, va aux réunions dans des arrière-salles, persuader des jeunes en dérive qu’ils ‘valent’ mieux que ça et bientôt accompagne Barack dans ses campagnes électorales au fin fond des petites villes américaines, prenant de plein fouet mais sans faillir, le racisme à l’encontre de ce couple « noir ».

Le reste fait partie de l’histoire … mais on comprend au bout de ces 755 pages pourquoi Michelle Obama ne se présentera pas à la présidence des USA : elle aime trop les combats de tous les jours, les actes concrets, travailler en équipe avec d’autres femmes, résilientes comme elle. Et surtout, comme elle le dit « Je n’aime pas la Politique! », la politique avec un grand P…

Michelle Obama : Devenir, Livre de Poche, 755 pages, 10 euros.