[Points Critiques n°383] L’UPJB a 50 ans – témoignages

À l’occasion des 50 ans de l’UPJB, Points Critiques a recueilli des témoignages de membres ou de proches de l’UPJB. À quelques-un·e·s parmi ceux et celles qui ont fait et font l’UPJB et son rayonnement, nous avons demandé : « Que représente pour toi l’UPJB, quel en est ton meilleur souvenir ? » 

Marianne De Muylder, membre du comité de rédaction de POC :
Après le militantisme « heureux » des années 70-80, j’ai retrouvé à l’UPJB en 1993, un lieu de rencontres, riche en débats, alliant progressisme et culture, proche des valeurs qui donnent sens à ma vie… Un lieu, encore parfois trop familial qui devrait s’ouvrir davantage et s’inscrire plus fortement dans le paysage politique belge qui en a bien besoin.

Jackie Schiffmann, membre et animateur du Club Shalom Aleichem de l’UPJB :
En parallèle avec une accaparante profession d’ingénieur-conseil, l’UPJB a été depuis toujours, mon port d’attache dans un judaïsme laïc et progressiste, dont j’avais ingurgité les valeurs dans les colonies de la SOL. Avec Dorette, mon épouse, on s’est beaucoup investi à l’UPJB. Les anciens, dont certains eurent du mal à se détacher du communisme, n’étaient que trop heureux de passer la main, et voir se perpétuer les valeurs qu’ils avaient instaurées depuis la création de SOL en 1939. A 82 ans, je suis devenu ancien moi-même et comitard au Club Shalom Aleichem. L’UPJB reste ma maison.

Rosa Goldman-Gudanski :
Mon souvenir le plus fort dans ma vie à l’UPJB ? Je crois que ce sont les années d’après-guerre où j’ai commencé à fréquenter l’UPJB. Je m’y suis vraiment sentie vivante en me trouvant entourée de gens, juifs comme moi ; qui avaient tous vécu la clandestinité, la peur, la perte de parents. Là, j’ai pu enfin m’exprimer librement et m’épanouir sans crainte.  Il y eut des périodes, disons « politiquement correctes ». Il y eut des départs, des discussions assez vives… L’UPJB a survécu à tout cela.

Didier de Neck, comédien, passionné du collectif :
Chaque fois que je passe la porte rouge du 61, je suis dans la cour d’un shtetl, tout petit. C’est une petite place publique de critiques, de questions et de commentaires teintés de pensées juives, de valeurs à transmettre, de tradition à revisiter, de doutes, d’espoirs et de lassitudes à chuchoter. Quel sort connaîtront la critique, la diversité, la solidarité, l’égalité des sexes, des genres et des couleurs et la démocratie, en général et celle du foyer 61, porte rouge ?

Tessa Parzenczewski, membre du comité de rédaction de POC :
Mon souvenir le plus fort ? Certainement l’accueil dans les locaux de l’UPJB en 2008, à l’initiative des jeunes, d’une quarantaine de réfugiés indiens, sans papiers, pendant un mois. Pour moi l’UPJB est un lieu d’échanges politiques pointus, stimulants, de rencontres culturelles et une présence juive, essentielle pour moi, mais ouverte, comme bon nous semble…

Baudouin Loos, journaliste au Soir :
Cela va faire 30 ans que je fréquente l’UPJB pour mon plus grand bien ! Dans plusieurs cercles juifs belges, je suis considéré comme un pestiféré (toutes les vérités ne seraient-elle pas bonnes à lire ?), alors qu’entre l’UPJB et moi une convergence de vues sur la question palestinienne coule de source. L’UPJB, pour moi c’est une rare voix de (la vraie) gauche qui diffuse un authentique message progressiste. Je suis fier d’y compter de nombreux amis.

Jean-Philippe Schreiber, professeur d’Histoire contemporaine à l’ULB :
L’UPJB, ce n’est pas mon itinéraire et je ne partage pas tous ses engagements. Mais souvent je me suis dit que j’aurais aimé faire partie de cette famille, épouser ses combats, sa liberté, son effervescence. L’UPJB représente à mes yeux le fait de pouvoir être juif et pleinement de gauche, accepté par la gauche… Que serait la vie sociale bruxelloise sans cette communauté de Juifs indociles, brandissant sans répit sa mémoire blessée pour mettre de la solidarité là où elle s’érode, et de la morale là où il n’y en a plus guère ?

Dominique Vidal, historien et journaliste :
En Belgique comme en France et dans de nombreux États européens, l’opinion juive s’est droitisée, et notamment depuis l’explosion du « processus de paix ». Pourtant, un grand nombre de juifs s’opposent à la radicalisation impulsée par Benyamin Netanyahou. Hélas, en général, ces juifs critiques n’ont pas d’organisation représentative. Vous avez de la chance, vous les Belges, de pouvoir compter sur l’UPJB. Grâce à elle, les juifs progressistes ne sont ni sourds ni muets. Longue vie

Carmelo Virone, écrivain :
Ce qu’apporte l’UPJB au paysage politique et culturel belge ? C’est déjà de se revendiquer progressiste, ce n’est qui n’est pas si mal, puis de faire de sa composante identitaire juive, et partant, minoritaire dans un pays d’héritage principalement chrétien, un atout pour jeter un regard critique sur toutes les cultures dominantes, y compris au sein de la communauté juive…

Simone Susskind, militante pour le dialogue et la paix au Proche-Orient, ex parlementaire bruxelloise :
Je connais et je fréquente l’UPJB depuis de très nombreuses années, y compris du temps où je présidais le CCLJ. L’UPJB s’exprime en toute indépendance (avec la richesse des débats qui l’animent en interne) sur les complexités du conflit israélo-palestinien mais joue aussi un rôle important et exprime une voix juive particulière sur les questions qui agitent notre région : la migration, le dialogue interculturel, la transmission des identités, le social etc. Pour moi, la communauté juive de Bruxelles serait bien plus pauvre si l’UPJB n’existait pas !

Marco Martiniello, directeur de Recherches FRS-FNRS à l’ULiège :
Voix marginalisée en Belgique francophone, constamment positionnée entre le marteau et l’enclume, l’UPJB lutte pour la défense des valeurs démocratiques fondamentales. Elle le fait sans jamais chercher la provocation, mais sans non plus aucun tabou. Ce faisant, l’association a certainement enrichi le débat d’idées en Belgique tout autant que la mobilisation avec les sans-voix, quelle que soient leurs origines, leurs croyances ou leur couleur de peau.

Marianne Blume, militante des droits des Palestiniens à l’ABP (Association Belgo-Palestinienne) :
Pour moi, l’UPJB, c’est la résistance au message unique que veulent promouvoir le CCOJB ou autres associations qui prétendent représenter tous les Juifs de Belgique. L’UPJB porte un regard critique sur Israël. Elle a le courage de mener ses actions avec l’ABP. Mais elle n’en oublie pas pour autant la politique belge et la culture yiddish. En ce sens, elle fait intimement partie du paysage belge.

Henri et Bella Wajnberg, membres de l’UPJB et en couple depuis 69 ans :
Henri : Le parcours de la gauche n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut féliciter l’UPJB pour l’excellent travail qu’elle accomplit avec ses moyens limités face à ses adversaires. Depuis mes 18 ans j’ai participé avec enthousiasme aux diverses activités de la maison. Aujourd’hui, à l’aube de mes 93 ans, si c’était à refaire, je signerais des deux mains.

Bella : En 1945, c’était les retrouvailles : nous étions bien 200 Juifs à nous retrouver à l’Université Paul Pastur à Charleroi. Nous revivions ! C’est là que j’ai fait la connaissance  d’Henri. Après il y eut le théâtre, où nous avons joué plusieurs pièces. Nous nous retrouvions les week-ends, nous formions une grande famille, c’était un besoin.

Edna Braun-Bratzlavsky :
C’était où, ce chantier ? Dans quel village où nous étions venus aider à retaper une maison, la future colo de vacances après l’exil de Faulx-les-Tombes ? Qui était là, avec qui échangions-nous parfois un sourire, une plaisanterie ? Nous n’étions que des mains, maladroites ou précises, toujours solidaires. Et quand nous nous arrêtions un instant pour juger l’avancée de notre travail, dans la poussière âcre et les lambeaux de papier peint, une bouffée de fierté et de bonheur m’envahissait: je faisais partie d’un groupe qui bâtissait l’avenir…

Johannes Blum :
Mon « entrée » dans le monde de l’UPJB est dû à quatre rescapées des camps d’extermination. Ces femmes – Maryla Dyament, Sarah Goldberg, Sonia Goldman et Hélène Weissberg – m’ont conduit, confronté à la mémoire comme une valeur centrale dans notre société dans ses multiples aspects politiques et sociales… ce qui pour moi incarne à la perfection l’essence même de l’UPJB et son apport à la société depuis toujours.