Ce numéro de Points Critiques donne la part belle à Ce qui marche, c’est la promenade, la nouvelle pièce de théâtre de l’UPJB à l’affiche du Centre Culturel Jacques Franck les 11 et 14 janvier et au récit de voyage en territoire palestinien d’une quinzaine de jeunes membres de l’UPJB.
La revue consacre néanmoins son dossier aux Pavés de mémoire, ces « cubolithes », comme le disent si joliment les Grecs, qui parsèment et illuminent désormais nos trottoirs. C’est l’initiative de la Fondation Auschwitz, ce 22 octobre dernier, d’installer un pavé à la mémoire de Sam Potasznik, résistant communiste juif, dans le sillage de Solidarité juive, fusillé en 1943, qui est à l’origine de ce dossier. Il y avait une certaine urgence à le faire car l’ « Enclos des fusillés » au Tir national risque à terme d’être englouti par le mégaprojet Médiacité.
Or ces pavés sont destinés justement à combler l’absence de sépulture des victimes du nazisme. Ces petits mémorials où les proches et les simples passants sont invités à se recueillir nous indiquent que dans ces maisons vécurent des Juifs et des résistants assassinés par la machine nazie. Trois dates sur un pavé -naissance, déportation, mise à mort- suffisent pour raconter l’horreur. C’est simple, c’est démocratique et cela n’a jusqu’à présent, et malgré les craintes de certains, jamais été profané, comme nous le confirme Eric Picard de l’Association pour la Mémoire de la Shoah qui depuis dix ans organise et accompagne la pose des Pavés de mémoire en Belgique.
Mais le climat politique se détériore. Une certaine Flandre estime qu’une représentation des Juifs avec des nez crochus, juchés sur des sacs d’argent sur des chars de carnaval, ça n’a rien à voir avec de l’antisémitisme. Il s’agirait d’humour carnavalesque. Face à la vindicte générale, le Carnaval d’Alost se dit prêt à sacrifier son appartenance au patrimoine de l’Unesco mais ne cèdera pas d’un pouce. Si la ville compte beaucoup d’électeurs du Vlaams Belang, rien n’indique pourtant qu’il s’agisse d’ une opération orchestrée par l’extrême droite. La réalité est bien plus simple et frise le grotesque puisque De Vismooil’n, l’association qui a mis le feu aux poudres, a voulu représenter sur son char le fait, qu’à court d’argent, elle était contrainte de prendre une année sabbatique. Et qui dit « sabbatique » et « argent », dit « juif ».
C’est d’une bêtise confondante, mais ça n’en est pas moins de l’antisémitisme. Un antisémitisme primaire, aussi primaire que le sexisme des allusions lourdingues qui émaillent le quotidien de beaucoup de femmes. Tout cela doit être dénoncé avec fermeté, car aussi bêtes qu’ils soient, les clichés finissent toujours par alimenter des projets plus vastes et totalitaires. On peut donc s’inquiéter de la complicité du pouvoir en place (coalition de droite sans le VB) dans un contexte de montée de l’extrême droite et de la mollesse formaliste d’Unia, comme l’a fait l’UPJB dans une lettre ouverte à cette institution de protection des droits humains (voir upjb.be). Entretemps, le carnaval de 2020 est en pleine préparation et le nombre de « Juifs » annoncés semble en nette progression. La maison Liebaut, le principal magasin d’accessoires de carnaval à Alost, aurait commandé 250 chapeaux de Juifs avec papillottes ainsi que des nez crochus et des lingots d’or.