[Points Critiques n°385] Edito

Anne Grauwels

Si les personnages de la couverture sont un peu flous c’est parce que nous ne sommes pas arrivés d’emblée à définir un thème pour notre « Focus ». Nous étions out of focus en quelque sorte, comme le personnage flouté dans le film « Harry dans tous ses états » de Woody Allen, l’histoire d’un auteur en panne d’inspiration, qui essaie désespérément de faire le point (critique ?). Heureusement, comme dans le film de Woody, notre focus s’est rétabli. Un thème s’est dégagé : l’antiracisme.

La réflexion et le combat antiracistes font partie intégrante de l’UPJB qui en a débattu récemment en Assemblée générale et qui participera à la manifestation nationale du 21 mars. Lors de cette assemblée, l’UPJB a adopté un texte qui définit les lignes de force contre le racisme et en fait une de ses priorités politiques (texte disponible sur upjb.be/ antiracisme).

Dans ce numéro, Henri Goldman expose l’évolution de ce combat qui fait partie selon lui de l’ADN de l’UPJB depuis bientôt 100 ans, quand les fondateurs de ce qui allait devenir l’UPJB ont fui l’antisémitisme dans leur pays d’origine en Europe de l’Est. À partir des années 60, l’antisémitisme a quelque peu régressé grâce à la prospérité amenée par les Trente Glorieuses et la prise de conscience des crimes nazis. D’autres émigrants venus du Maghreb et d’Afrique subsaharienne prirent la place des Juifs comme boucs émissaires et la xénophobie s’est muée petit à petit en islamophobie. Deux éléments sont venus envenimer le débat : la composante religieuse avec la question du foulard et la politique israélienne d’occupation. Parmi les Juifs, y compris à gauche, de moins en moins nombreux sont ceux qui souhaitent « mener de front le combat contre l’antisémitisme et l’islamophobie », comme le formule H. Goldman. Les attentats antisémites perpétrés par des intégristes musulmans ne vont pas arranger les choses.

Une lutte efficace contre l’antisémitisme est pourtant indissociable de la lutte contre toutes les formes de racisme. C’est sans compter avec l’évolution en Israël, où la droite et l’extrême droite sont au pouvoir et mènent une politique raciste peu propice pour la crédibilité du Juif engagé aux côtés des opprimés. Pire, des rapprochements entre les dirigeants israéliens aujourd’hui et une certaine droite au pouvoir (Orban, Sal vini et autres Bolsonaro, sans compter Trump) risquent de se retourner contre les Juifs en général. (Lire à ce sujet Sylvain Cypel : L’État d’Israël contre les Juifs, La Découverte, 2020)

Le « J’accuse » de Zola fut un des premiers grands combats contre l’anti-judaïsme moderne. Nous l’évoquons à travers une analyse critique du « J’accuse » de Polanski. L’auteur de l’article, Rémi Hatzfeldt, cinéaste et descendant d’Alfred Dreyfus se concentre sur Dreyfus. Il ne s’agit donc pas de l’affaire Polanski mais de l’affaire Dreyfus. Le sujet du boycott de Polanski y est évoqué sans s’y attarder, ce qui peut faire débat.

Françoise Nice aborde d’autres combats antiracistes, la décolonisation à travers deux livres de Christiane Taubira et – sujet récurrent – la solidarité avec les sans-papiers.

Entretemps et à l’heure où je vous parle, le carnaval d’Alost 2020 se prépare et si nos informations sont bonnes les personnages de la couverture seront à nouveau de la partie, en plus grand nombre, et ils ne seront plus seuls, ils seront accompagnés de leurs équivalents noirs, Musulmans et autres… Autres.

En floutant ces caricatures, nous avons en quelque sorte anticipé l’appel des professeurs des universités amandes de ne pas diffuser ces images dans la presse. Une primeur pour la Flandre qui n’applique pas le cordon sanitaire médiatique. Suite au prochain numéro…