Nous publions la suite des récits de voyage du groupe de l’UPJB parti avec l’ABP à la rencontre des Palestiniens des territoires en novembre dernier.
Entre la vision floue et la réalité… il y a plus qu’un monde… un univers ? C’était un choc et cela le reste encore. Je ne comprends pas cette politique d’occupation et d’humiliation quotidienne. Je comprends encore moins, quand je pense à ce qui a été infligé aux grands-parents des années 1940 aux années 1945, les politiciens qui gouvernent de cette façon cette « terre promise »… Et on dit qu’Israël est une démocratie ? C’est quoi encore la définition de la démocratie ?
Et quand Trump proclame que les territoires occupés illégalement ne le sont plus ? Et le monde entier qui tremble lorsque celui-ci crie plus fort que les autres… Et l’Europe qui dénonce plus que timidement cette nouvelle voie… Sans parler du nouveau programme pour la paix… Pour la paix entre les deux états… entre un État et quoi ? La Palestine ? Un Etat ? Ah oui, des camps de réfugiés qui vont bientôt fêter leurs 70 années d’existence… Ah oui, des Bédouins dans l’est de la Cisjordanie dont on a bloqué la source d’eau pour alimenter la colonie d’à côté… Le rideau de fer a été démonté en septembre 1989, le mur de Berlin en novembre 1989… Et ce mur israélien alors, est-ce la construction d’un état mûr ? Quelle honte et quel retour en arrière pour des raisons dites sécuritaires. Sécurité contre quoi ? Des pierres ? Oui, des pierres ! Ah ! Bon !
Ce « voyage » en Palestine avec l’ABP a été une claque. Heureusement, le groupe a été plus que soutenant même s’il y a eu des coups de gueule, des pleurs, des sidérations. Un groupe intergénérationnel riche en échanges, en regards qui en disaient long, et que d’émotions en tout genre. Et puis, notre accompagnatrice, notre guide, une femme plus qu’extraordinaire : Nadia… J’ai appris que Nadia est la version courte du slave Nadejda qui se traduit par espérance ; en arabe Nadia ou Nâdiya signifie « celle qui appelle» ou « généreuse ». C’est bien avec Nadia que nous avons fait ce périple.
Le jour qui m’a le plus interpellé, le plus impressionné, je dirais même le jour qui m’a vraiment fait peur, pour m’avoir fait vivre une grande insécurité, c’était le jeudi 31 octobre 2019. Ce jour-là nous avons « visité » Hébron (Al-Khalil en arabe), une ville de 175.000 Palestiniens sous occupation israélienne, partagée en deux zones : H1 contrôlée par l’autorité palestinienne et H2 par l’administration israélienne, où vivent environ 700 colons israéliens, en plein centre et protégés par l’armée.
Hébron, une ville où une rue n’est accessible que pour les Israéliens; une autre que pour les Palestiniens; une autre à moitié pour les Palestiniens, à moitié pour les Israéliens ; une autre interdite… je ne sais plus pour qui… Et une autre encore où il vaut mieux que les « touristes » comme nous ne s’aventurent pas. Parfois entre deux rues israéliennes, il y a une rue palestinienne. Rarement une rue israélienne entre deux rues palestiniennes… Et je ne parle même pas des carrefours car, à ces endroits-là, qui peut aller où ? Je n’y comprends rien ! Moi qui suis fort en calcul, je ne suis même pas arrivé à compter le nombre de checkpoints qu’on a dû passer en montrant patte blanche. Je vous laisse imaginer lorsque des Palestiniens doivent les affronter…
En allant vers Gross Square, un blindé arrive et nous sommes filmés. Plusieurs d’entre nous se retournent, plusieurs militaires sortent pour savoir ce que peuvent bien faire ici des « touristes » … Je ne suis pas très à l’aise. Mais notre guide, de l’association Breaking the silence, ancien militaire israélien, nous rassure : il n’est pas (encore) interdit de circuler dans cette rue. D’ailleurs, lui aussi porte une caméra vidéo miniature pour filmer ce qui se passe, comme témoignage supplémentaire pour l’association.
Nous montons a-Shuhada Street où le cimetière musulman se trouve à gauche et en face de Mitkanim, base militaire en pause car il y a un nombre important de militaires dans la rue qui nous regardent parfois d’un œil torve, mais aussi avec des sourires… Puis nous continuons et nous nous arrêtons face à la colonie Beit Hadassah. Mais pourquoi s’arrêter là ?! Il y a des colons armés jusqu’aux dents devant l’entrée et ils sont entourés de militaires pour les protéger ! Les protéger ? Mais ça ne va pas non ? Nous sommes un petit groupe de pacifistes et nous nous retrouvons nez à nez avec une milice armée ! Cet endroit, nous raconte notre guide, est un lieu malheureusement important. Une atrocité y a été commise : une très jeune fille a été lapidée par ces colons sous le regard de l’armée… qui n’est pas intervenue pour faire cesser ce massacre. Elle en est morte. Je suis gelé alors qu’il fait pratiquement 25 degrés.
Notre périple nous amène ensuite devant la base militaire Tel Rumeida. Notre guide, qui, je le rappelle est un ancien militaire israélien, nous explique de manière très subtile qu’il ne faut pas en vouloir aux militaires en faction car, comme lui, ils ont été endoctrinés dès la plus tendre enfance, à l’idée que l’autre (l’autre ? oui, l’étranger, le Palestinien…) est l’ennemi à abattre. Je me sens comme un oiseau pour le chat. Lorsque nous retournons à notre minibus pour rentrer à Bethléem, j’attends la sortie de Hébron pour commencer à me relâcher et à raconter des blagues… juives évidemment ! Est-ce que vous connaissez celle des trois rabbins dans un taxi à New York ?