Vers une reprise des réunions du conseil d’association UE-Israël ?

Communiqué de l’ABP du 14 juillet 2021

La Belgique et l’Union européenne ne doivent pas laisser l’euphorie du départ de Netanyahou les aveugler sur la réalité de terrain, à savoir la poursuite des politiques d’apartheid et de colonisation par le nouveau gouvernement israélien.

Un mois après l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement en Israël, son ministre des Affaires étrangères et Premier ministre en alternance Yaïr Lapid rencontrait le lundi 12 juillet à Bruxelles les chefs de la diplomatie européenne, à l’invitation de ces derniers. Dans une offensive de charme envers les pays de la « vieille Europe », il a loué les « valeurs démocratiques partagées » entre son Israël et le Vieux Continent, se dissociant ainsi de l’axe établi par Benjamin Netanyahou avec les gouvernements illibéraux d’Europe centrale. Il a également affirmé son soutien personnel à une solution à deux États, tout en la déclarant impraticable actuellement, ainsi que sa volonté d’améliorer le bien-être des Palestiniens.

Saluant en ce discours une « chance pour un nouveau départ », le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères Josep Borrell a plaidé pour le retour après 9 ans d’absence des réunions bilatérales prévues par l’accord d’association UE-Israël de 1995. Lapid entend aussi faire progresser de nouveaux partenariats avec l’Union, notamment en rejoignant le programme Creative Europe, qui subsidie généreusement les initiatives culturelles des pays participants, mais interdit, comme en principe tous les programmes de l’UE, tout financement dans les colonies israéliennes.

Aucune rupture avec Netanyahou

Aussi douces que puissent être les paroles de Lapid aux oreilles des Européens après une ère Netanyahou tumultueuse, ceux-ci auraient toutefois tort de se bercer d’illusions. Sur la question palestinienne, le nouvel exécutif dirigé par le héraut de la droite messianique coloniale Naftali Bennett n’a pas montré le moindre signe d’infléchissement. À Jérusalem, les provocations contre les Palestiniens continuent, comme l’a illustré l’autorisation par le ministre (travailliste) de la Sécurité intérieure de la « marche des drapeaux », défilé extrémiste dans les quartiers palestiniens de la ville célébrant leur conquête par Israël en 1967. Le nettoyage ethnique, à l’origine de la crise d’avril et mai 2021, progresse à un rythme effréné, notamment à Silwan, où 4000 habitants sont menacés d’expulsion.

Comme sous Netanyahou, la répression des militants pour les droits humains se poursuit. Alors que Lapid entonnait son plaidoyer pour les droits humains, Israël refusait à Khalida Jarrar, députée palestinienne en détention administrative depuis deux ans, le droit d’assister aux funérailles de sa fille. Yigal Amir, l’ultranationaliste qui a assassiné l’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, a quant à lui été autorisé à sortir, se marier et même avoir un enfant pendant sa détention.

La continuité est également de mise concernant le blocus de Gaza, en dépit de la situation humanitaire dramatique qui sévit dans l’enclave, encore accentuée par le récent conflit.

Dans ce contexte, l’attachement affirmé par Yaïr Lapid à une solution à deux États ne doit pas être compris comme autre chose qu’une opération de communication sans effectivité sur le terrain. Ainsi, le 23 juin, dix jours seulement après son entrée en fonction, le nouveau gouvernement avalisait 31 projets de construction dans les colonies. Alors que le nombre de destructions de structures civiles palestiniennes dans les zones convoitées par Israël s’élève selon l’ONU à 421 depuis le début de l’année (une hausse de 30% par an pour deux années consécutives), l’armée vient de raser pour la 7e fois en huit mois le village de Humsa. La majorité des partis de la coalition composite actuelle se sont pronnoncés pour l’annexion des principales colonies et de la vallée du Jourdain, grenier à blé de la Cisjordanie et seule frontière externe du territoire. L’État palestinien envisagé dans ces conditions ne pourrait ressembler qu’à un agglomérat d’enclaves non viables et discontinues, sur le modèle des bantoustans sud-africains, qui évoquent furieusement le simulacre de plan de paix présenté par Donald Trump en janvier 2020.

Un rapprochement contre les droits humains

Dans son récent rapport du 27 avril concluant, comme d’autres organisations de défense des droits humains internationales et israéliennes, à la pratique de l’apartheid par Israël, Human Rights Watch appelait la communauté internationale à réévaluer l’ensemble de ses relations avec ce dernier. Le 9 juillet, le rapporteur spécial des Nations-Unies Michael Lynk enjoignait également à « faire comprendre à Israël que son occupation illégale et son mépris du droit international et de l’opinion internationale ne peuvent plus être gratuits ». En envisageant de franchir un nouveau palier dans la normalisation des relations avec le régime d’apartheid israélien, c’est précisément le chemin inverse qu’emprunte la diplomatie européenne, envoyant, ce faisant, un signal désastreux de mépris pour les droits humains.

L’ouverture de l’UE à un renforcement du partenariat avec Israël est d’autant plus problématique qu’elle a déjà accepté par le passé de transiger avec son principe général d’interdiction d’usage de ses fonds dans les colonies. En 2013, une annexe à l’accord stipulant la non-reconnaissance des lignes directrices sur les colonies par Israël lui avait permis de rejoindre le programme de recherche scientifique Horizon 2020. Celui-ci avait notamment abouti au projet Law Train, collaboration de plusieurs universités et services de police européens (dont la KULeuven et la police judiciaire belge) avec la police israélienne, alors même que cette dernière est régulièrement accusée de traitements inhumains et dégradants lors d’interrogatoires.

L’Association belgo-palestinienne appelle le gouvernement belge à opposer son véto au retour des réunions bilatérales prévues par l’Accord d’association. Celui-ci devrait être suspendu tant que se perpétuent l’occupation et les violations des droits humains en Israël/Palestine, en vertu de la clause relative aux droits de l’Homme.

« L’Union européenne est le premier partenaire économique d’Israël et dispose à ce titre d’un potentiel énorme pour influer sur la situation au Proche-Orient», rappelle Pierre Galand, président de l’Association belgo-palestinienne. « Il est plus que jamais temps pour l’Union de transformer ce poids économique en poids politique et de faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international, quels que soient les efforts déployés par ses porte-voix pour faire oublier l’oppression inhumaine du peuple palestinien. »