Cycle Cinéma — Les films de Yolande Zauberman

Yolande Zauberman : un cinéma du désir émancipateur

De janvier à juin 2026, le ciné-club de l’UPJB organise un cycle de films de Yolande Zauberman. De son premier long-métrage tourné clandestinement en Afrique du Sud en 1987, « Classified people », à la « Belle de Gaza » (2023), le cinéma de Zauberman donne la parole à des personnes qui affrontent la domination des puissants à partir des désirs sexuels, amoureux, érotiques. C’est un cinéma où l’intime et le politique font un.

Zauberman filme de près, la caméra à l’épaule. Elle arrive à créer un rapport amoureux avec ses personnages tant dans les documentaires que dans la fiction. Ce rapport leur permet de sortir d’eux-mêmes, de se découvrir face à la caméra sans qu’aucun de ces films ne tombe dans une forme de voyeurisme.

C’est un cinéma sur la puissance du chant qui crépite comme les autres expressions du corps dans la chanson de Reyzele interprétée par Hélène Lapiower (« Moi Ivan, toi Abraham »), une splendide sourate psalmodiée dans la « Belle de Gaza » avec comme point d’orgue la voix de Menahem qui arrive à abattre des murs de haine et d’hostilité dans « M ».

C’est un cinéma des mélanges de langues. La plupart de ces films passent par deux ou trois langues qui s’enchaînent et souvent se mélangent. « Moi Ivan, toi Abraham » donne une vie nouvelle au yiddish dans des territoires d’Europe de l’Est où il a pratiquement disparu.

Le cinéma de Yolande Zauberman sape les identités circonscrites, exclusives ou closes. C’est un éloge de l’impureté, de la transgression des frontières, du partage et des mélanges. C’est un cinéma de l’émancipation des personnes opprimées qui en célèbre la beauté, le pouvoir créateur, la puissance du regard amoureux, de la voix et des corps qui s’unissent.

Dimanche 11 janvier à 16h : Projection de « Classified people » (1987, 53’)

En 1948, une loi de classification raciale est proclamée en Afrique du Sud. Robert est jugé métis par le tribunal administratif, alors que sa femme et ses enfants sont classés blancs et le rejettent. Avec Doris, sa femme, noire, avec qui il vit depuis 25 ans, il raconte la violence de l’apartheid. Tourné clandestinement, ce documentaire a reçu le Prix du Public à Belfort en 1987.

« Le duo rayonnant de Robert et Doris s’impose déjà comme une figure-clef de l’œuvre à venir de Yolande Zauberman qui embrasse l’intime et le politique avec une force toujours intacte » CAHIERS DU CINÉMA

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Dimanche 15 février à 16h — Projection de « Moi Ivan, toi Abraham » (1993, 105’)

Quelque part, aux limites de la Pologne, dans les années 30, dans un petit village, deux enfants, Ivan et Abraham, l’un juif l’autre pas, décident de s’enfuir. Rachel, la soeur d’Abraham entraîne Aaron, jeune communiste traqué à leur recherche. Au cours de leur fuite, ils seront tous les quatre amenés à découvrir un monde d’aventures, d’émotions et de dangers.

« Yolande Zauberman y récrée le monde disparu de ce qu’on a appelé le Yiddishland. Loin d’une entreprise muséographique ou de l’hommage, c’est un monde traversé de contradictions et inconscient de sa disparition prochaine qu’elle montre ». (Antoine Guillot, France Culture).

Dimanche mars à 16h — Projection de “Would you have sex with an Arab?” (2011, 85’)

Un voyage dans la nuit, de rencontres en rencontres, des bars de Tel-Aviv aux ruelles de Jérusalem. Dans les boites de nuit, on danse, on rit, on s’amuse. Des Juifs, des Arabes, tous citoyens d’un même pays. Israël. Un Israélien sur cinq est arabe. Et pourtant… Une simple question vient prendre tout le monde par surprise. Aux uns : “Would you have sex with an arab?” Aux autres : “Would you have sex with an israeli jew?” Ils ne s’y attendent pas. Troublés, ils rient, hésitent, improvisent, s’étonnent de leurs propres réactions. Beaucoup n’y avaient même pas pensé. Être ensemble ? Une barrière invisible apparaît. Un danger. Le désir peut-être.

« Drôle, sexy, le film éclaire sur le cœur des gens, le désir. Juste le désir. Qui est tout » (L’Express).

Avril (date à déterminer) — Projection de M (2018, 106’)

« M » comme Menahem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulait. Quinze ans après il revient à la recherche des coupables, dans son quartier natal de Bnei Brak, capitale mondiale des Juifs ultra-orthodoxes. Mais c’est aussi le retour dans un monde qu’il a tant aimé, dans un chemin où la parole se libère… Ceux qui osent parler réussiront-il à éloigner la hantise du “gal-gal”, ce cercle vicieux qui transforme les violés en violeurs ?

« M est aussi un chemin de retour, la possibilité de transformer la communauté perdue et peut-être même de pouvoir l’aimer à nouveau. Nous restent le sourire lumineux qui irradie le visage de Menahem, son incroyable voix qui s’élève dans la nuit, et en creux une réflexion sur la culpabilité et le pardon. Comme toujours dans le cinéma de Yolande Zauberman, les pires zones d’ombres côtoient ce que l’humanité peut produire de plus beau. Sans nul doute l’un des films les plus puissants de ces dernières années, un uppercut à ne pas manquer ». (Eva Tourrent, Tënk)

Mai (date à determiner) — Projection de « La Belle de Gaza » (2023, 74’)

Documentaire sur la transidentité en Israël, dans lequel plusieurs personnes transgenres témoignent. Le titre fait référence à une légende urbaine selon laquelle une jeune fille trans aurait fui Gaza pour Tel-Aviv. A travers un style hypnotique, Yolande Zauberman crée un objet cinématographique unique et met en valeur la beauté de la nuit et de ces femmes singulières à la croisée de toutes les frontières, celle des genres et celle qui sépare les deux pays et les deux peuples.

« Elles étaient une vision fugace dans la nuit. On m’a dit que l’une d’entre elles était venue à pied de Gaza à Tel-Aviv. Elle est devenue mon obsession. Dans ma tête je l’ai appelée la Belle de Gaza. » Yolande Zauberman

Juin (date à determiner) — Rencontre avec Yolande Zauberman

Cette rencontre sera accompagnée de la projection de quelques courts-métrages peu connus de la réalisatrice.

Yolande Zauberman : brève biographie

Diplômée en art et en histoire, Yolande Zauberman débute au cinéma auprès de Amos Gitaï. En 1987, elle signe son premier documentaire tourné clandestinement en Afrique du Sud, Classified People, dans lequel elle oppose à l’implacable et absurde violence de la ségrégation raciale une chronique tendre du couple formé par Doris et Robert. Le film ressort à l’automne 2023 en copie restaurée.

En 1989, Yolande Zauberman part ensuite en Inde réaliser Caste criminelle sélectionné au Festival de Cannes. En 1992, elle filme sa première fiction en Yiddsih, Moi Ivan, toi Abraham, primé dans le monde entier. Puis elle tourne Clubbed to Death (1996) et La Guerre à Paris (2002), tous deux avec Élodie Bouchez. En 2005, elle revient au documentaire avec Un juif à la mer.
En 2011, Would You Have Sex With an Arab? est sélectionné à la Mostra de Venise. « J’ai posé cette question Would You Have Sex With an Arab?, et tout d’un coup les gens se remettent en cause, parce que si cette question peut avoir l’air superficielle, elle est en réalité très profonde : pour désirer l’autre, il faut le voir. Et tout le problème est là. »

M, comme Menahem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulaient, a été tourné dans les communautés juives orthodoxes de Bnei Brak. Le film a remporté le César du Meilleur documentaire en 2020.

« La Belle de Gaza » termine la trilogie entamée en 2011. Il donne la parole à des femmes trans qui se prostituent à Tel Aviv. La plupart d’entre elles sont des Palestiniennes. Un film sur la beauté de la nuit qui brouillent les frontières, entre les genres et entre les peuples

Source : Cinemed – Festival International du Cinéma Méditérranéen de Montpellier. Notice biographique mise à jour en décembre 2025