« Derrière la porte » de Karine de Villers et Mario Brenta

Le dimanche 21 janvier à 16:00, nous projetterons le film Derrière la porte (Karine de Villers et Mario Brenta, 2010, 78 min) en présence de ses réalisateur·ices.

La maison est le lieu le plus représentatif de notre vie, un lieu qui nous renvoie, comme en miroir, à un autre lieu encore plus intime, celui de notre intériorité – à savoir d’être l’habitant de nous-mêmes.

Pour en savoir plus sur ce film, découvrez l’article rédigé par Tessa Parzenczewski pour le site de l’UPJB.

Mario Brenta : Vénitien, autodidacte, Mario Brenta fait ses débuts avec un long métrage Vermisat  (1974) suivi de Maicol (1988) et Barnabo delle montagne (1994), adapté du roman éponyme de Dino Buzzati, tous sélectionnés et primés dans les plus grands festivals de cinéma dont Cannes, Venise et Berlin. Mario Brenta  a été co-fondateur avec Ermanno Olmi d’Ipotesi Cinema, un laboratoire cinématographique qu’il a dirigé pendant plus de vingt ans. Aujourd’hui il est professeur de langage cinématographique à l’université de Padoue et collabore en tant que visiting professor  dans diverses universités et écoles de cinéma italiennes et étrangères.

Karine de Villers : Née à Quito (Equateur), anthropologue et cinéaste, Karine de Villers signe en 1990 son premier documentaire Je suis votre voisin qui obtient le FIPA d’Or à Cannes. Elle poursuit dans cette lignée avec  Le Petit Château (1999), Comme je la vois (2001), Luc de Heusch. Une pensée sauvage (2007). Après avoir longtemps travaillé à la diffusion du cinéma belge au CBA (Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles, Karine de Villers anime plusieurs ateliers et séminaires dans des festivals, écoles et associations culturelles.

À partir de 2010, Karine de Villers et Mario Brenta construisent une œuvre commune: Calle de la Pietà (2010), Agnus Dei (2012), Corps à Corps (2014), Black Light (2015), Delta Park (2016), Le Sourire du Chat (2019), Vanitas (2020), et dernièrement Îles (2021).

 

Un article a été consacré à Derrière la porte par Giuseppe Gariazzo dans le journal italien Il ManifestoEn voici la traduction française :

« Derrière la porte » filmer des rencontres dans les maisons parmi les traces de la mémoire.

Intérieurs et nature, dix-huit rencontres, dont Boris Lehmann et Franco Piavoli.

Un « chapitre deux », une « suite », ou – comme le définissent les auteurs – un « contre-champ » à « Isole », la magnifique constellation de portraits de corps et de lieux réalisée par Mario Brenta et Karine de Villiers il y a deux ans avec la complicité de nombreux endroits dans le monde. Ce discours se poursuit avec Dietro la porta , qui reprend ce projet et le décline sous une autre forme en maintenant l’idée d’un cinéma en train de se faire en contact étroit avec des hommes et des femmes à rechercher, à écouter, à filmer dans leur environnement domestique. En marchant « derrière les portes » des maisons, mais aussi dans les espaces de la nature – très présente : montagnes, rivières, mer – en construisant un chemin circulaire, où la fin dialogue avec le début, et au milieu nous faisons le voyage qui nous mène à la rencontre de dix-huit personnages (parmi lesquels le cinéaste belge Boris Lehmann, déjà dans « Isole », qui lit Poe dans sa maison-atelier-cinémathèque).

Derrière la porte naît le 14 juillet 2022 lorsque Brenta et de Villiers descendent la rue des Déportés devant la maison où Karine a vécu pendant son enfance. Elle semble abandonnée et pourtant, à l’improviste, les deux cinéastes découvrent qu’elle est habitée par une vieille dame. Ils la rencontrent et décident de filmer. Les souvenirs ressurgissent. Une nouvelle rencontre se produit. « De là, comme par contagion, explique Brenta, nous nous sommes laissés transporter ou, mieux, « déporter » vers d’autres lieux, d’autres maisons où nous sommes entrés sur la pointe des pieds, presque clandestinement, par des portes à peine entrouvertes ; par hasard, par distraction ou peut-être par une douce et tacite complicité… Qui sait ?

LA DIFFÉRENCE avec Isole réside ici. Il ne s’agit pas de courts métrages tournés pour la plupart par d’autres, mais – dit Brenta – c’est « nous qui portons un regard, le nôtre, que nous espérons pas trop envahissant mais pas moins profond, sur le lieu le plus intime de leur vie, sur ce lieu extérieur mais non moins sincère qui est le miroir de leur intériorité ». Ici se succèdent donc – cadrés dans des extérieurs de haute montagne et dans le mouvement (im)mobile de la lagune vénitienne – des instants de vie d’une humanité qui s’arrête, erre, lit, observe, parle, se dit dans le champ ou d’une voix off (et celle de Brenta prend un rôle fondamental, lui aussi à la recherche de la maison où il est né), reste en silence. Il y a aussi, extrait de « Effetto Olmi » (1982) de Brenta, Ermanno Olmi qui réfléchit sur son travail de cinéaste, sur les incertitudes de commencer ou de reporter le début d’un film. Ainsi, « Derrière la Porte » devient aussi un texte plein d’amour pour le cinéma, une mémoire d’un cinéma à préserver. Celui d’Olmi et de Franco Piavoli qui revoit un de ses films, d’Andrea Andermann avec les fragments africains du film « Alcune Afriche » (1975), et de Brenta lui-même qui inclut aussi des extraits de « Robinson in laguna »(1985) et le témoignage d’une exploration intime que le réalisateur mène, depuis 2010 avec Karin de Villiers, avec une obstination passionnée.