On parle plus volontiers des leçons de l’Histoire, qu’on ne les retient. Les grandes vagues migratoires, principalement pour des raisons économiques, ne datent pas d’aujourd’hui. À la fin du XIXe siècle déjà, le développement inégal des pays européens avait contraint des millions d’hommes et de femmes à émigrer. Des Juifs notamment.
La Première Guerre mondiale ne fit qu’accentuer le mouvement. Les réactions en furent diverses et au cœur du continent, en Allemagne, là où la défaite militaire avait entrainé les tensions sociales les plus fortes, surgit un régime politique qui allait provoquer un nouveau conflit mondial et des millions d’innocentes victimes. La publication récente de son Journal (1934-1944) [1] a remis sur le devant de la scène l’un des principaux acteurs du nazisme, Alfred Rosenberg, dont le racisme et l’antisémitisme quasi viscéral ne sont plus à décrire. Et avant même de pouvoir les appliquer dans son propre pays, il ne manqua aucune occasion de saluer toutes les mesures discriminatoires envisagées à l’étranger. Un recueil de ses articles rassemblés en 1930 et sans cesse republié s’ouvre par l’une de ses polémiques habituelles avec les milieux juifs dont il suivait attentivement l’action et les prises de positions :
« Les progrès de la question raciale [2] : L’Amérique, le pays démocratique de la ‘liberté’, passe aux yeux des Juifs du monde entier pour un joyau sans prix. Mais voici que les Nègres et les Japonais ont fait en sorte que l’idée de protection de la race s’y impose également. Encore un effort, et l’on devra bien reconnaître que les Juifs y représentent un danger aussi grand que les Noirs ».
Voilà déjà ce qui a mis dans une belle colère le Wiener Morgenzeitung sioniste du 2 décembre 1925, qui écrit : « Le dirigeant de l’Office du Travail américain recommande dans son rapport annuel l’adoption d’une loi sur l’immigration. Et évidemment sous la forme la plus radicale, dans le sens de ceux qui voudraient entourer l’Amérique de murs pour empêcher toute nouvelle arrivée. Dans le pays, où tout le monde parle du matin au soir de démocratie et de liberté, règne le chauvinisme le plus complet. Ici, c’est de fait la théorie raciale qui s’introduit dans la législation, et dans une mesure dont on ne rêve même pas dans les recoins les plus reculés de l’Europe, sous Horty (déjà au pouvoir en Hongrie et qui alliera son pays au IIIe Reich. Ndlr) par exemple. Et la doctrine inventée par quelques érudits allemands, de la supériorité prêtée (sic) à la race germanique y a déjà trouvé une large diffusion, de sorte que l’intelligentsia politique et sociale se dirige dans cette direction ».
De cette évolution condamnée par le journal juif viennois, notre futur responsable de la politique à appliquer dans les territoires de l’Est occupés au cours de la Seconde Guerre mondiale, ne pouvait que se féliciter : « Voilà de bien réjouissantes nouvelles. L’Allemagne en particulier a toutes les raisons de n’ouvrir son territoire qu’aux immigrés germaniques. L’idée raciale doit un jour devenir partie intégrante de la législation de tous les États. Sans quoi, aucune guérison n’est possible. »
Et aujourd’hui ? En temps de crise, aucun pays, aucun régime n’est à l’abri des tentations dictatoriales. Et pas davantage les Etats-Unis, le pays qui se réclame le plus des principes démocratiques, d’autant qu’y circulent encore souterrainement un sentiment obscur de la supériorité des WASP [3] fondateurs et une mentalité digne de nos meilleurs westerns. La preuve par Trump…
Notes
[1] Alfred Rosenberg, Journal 1934-1944. Présenté par Jürgen Matthäus et Frank Bajohr. Flammarion, septembre 2015
[2] Alfred Rosenberg, Der Sumpf (Le marais), Querschnitte durch das ‚Geistes‘-Leben der November-Revolution, Éditions du NSDAP, Munich, 1939, p. 7.
[3] « White Anglo-Saxon Protestant » : ce sigle résume bien les origines mythiques des USA.