[Élections israéliennes] Netanyahu a joué à qui gagne perd

Par Henri Wajnblum

Le 23 mars, les Israéliens se sont donc rendus aux urnes pour la quatrième fois en deux ans et ils pourraient bien y retourner une cinquième dans pas longtemps.

En effet, s’il est indéniable que le Likud, parti de Netanyahu, reste la formation la plus importante de la nouvelle Knesset (Parlement) avec 30 sièges, le bloc des droites de ses alliés traditionnels ne lui assure pour l’instant que 52 sièges alors qu’il en faut 61 pour constituer une majorité. Nous verrons plus loin quelles sont ses perspectives de retrouver son poste de Premier ministre auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux pour éviter de se retrouver une fois pour toutes, et sans parachute, sur les bancs, non pas de la Knesset mais des tribunaux.

Mais voyons d’abord les autres résultats : arrive en deuxième position le parti centriste Yesh Atid (« Il y a un avenir » en français), de Yair Lapid, avec 17 sièges, suivi du parti ultra orthodoxe Shas de Aryeh Deri avec 9 sièges, le même Aryeh Deri qui, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, avait été, en 2000, condamné à la prison ferme pour corruption.

Vient ensuite Kakhol Lavan (Bleu Blanc) de Benny Gantz, l’actuel ministre de la Défense, avec 8 sièges, Benny Gantz qui, au terme d’un accord « solennel » avec Netanyahu devait lui succéder à mi-mandat, un accord que ce dernier n’a jamais eu l’intention de respecter, et qu’il n’a effectivement pas respecté, préférant provoquer de nouvelles élections.

Suivent dans l’ordre avec 7 sièges chacun : Yamina, le parti d’extrême droite de Naftali Bennet et Ayelet Shaked, deux foudres de guerre qui ont fait partie d’un précédent gouvernement Netanyahu ; le Parti travailliste de Merav Michaeli ; Yahadout HaTorah, parti ultra orthodoxe ; et Yisrael Beteynu (« Israël notre maison »), parti laïc de droite de Avigdor Liberman.

Viennent ensuite avec 6 sièges chacun, la grande perdante de ces élections en raison de dissensions internes, la Liste arabe unie de Ayman Odeh qui avait recueilli 15 sièges lors de précédentes élections, le Parti sioniste religieux d’extrême droite de Bezalel Smotrich, un parti orphelin du Rabbin raciste Meir Kahane ; Tikva Hadasha (« Nouvel Espoir ») de Gideon Saar, un tout récent dissident de l’équipe Netanyahu ; et le Meretz, parti de centre gauche de Nitzan Horovitz.

Et enfin, à la surprise générale, arrive le parti islamiste conservateur Raam, de Mansour Abbas  avec  4 sièges. Raam faisait précédemment partie de la Liste arabe unie.

Voilà… Faisons le compte à présent… Le bloc dont Netanyahu est assuré : Likud 30 sièges + Shas 9 sièges + Yahadout HaTorah 7 sièges + le parti sioniste religieux 6 sièges = 52 sièges. Il lui en manque donc encore 9 pour obtenir une majorité de 61 sièges. Même si Yamina de Naftali Benett le rejoignait, ce qui n’est pas acquis, il lui en manquerait encore deux. C’est la raison pour laquelle Netanyahu, vous savez, celui qui a toujours craché son mépris pour les Palestiniens citoyens de l’État d’Israël qu’il considère comme une cinquième colonne, ce Netanyahu-là fait une cour effrénée à Mansour Abbas, leader du pari islamiste Raam. Mais s’il réussissait à le convaincre, d’autres de ses alliés traditionnels risqueraient de le lâcher…

Faisons le compte aussi dans l’autre camp : Yesh Atid 17 sièges + Le parti travailliste 7 + Kakhol Lavan 8 + Tikva Hadasha 6 + Meretz 6 + peut-être Ysrael Beteynou 7 + peut-être la Liste arabe unie, ce qui est loin d’être certain, 6 = 57. Pas de majorité non plus. Alors Yair Lapid tente lui aussi de négocier avec Mansour Abbas. Mais là également, il risque de se heurter à l’hostilité de certains de ses partenaires potentiels car Abbas a des exigences très précises dont, entre autres, l’abrogation de la loi dite d’État nation qui stipule qu’Israël est la nation du peuple juif et de lui seul !

Israël se trouve donc dans une situation abracadabradantesque comme aurait dit Jacques Chirac, plus encore qu’à l’issue de l’élection précédente qui a fait long feu comme chacun sait.

Alors va-t-on vers un cinquième scrutin ? Ce n’est pas impossible, mais pas certain non plus. Israël nous a habitués à des magouilles en tous genres, un jeu dans lequel Netanyahou est incontestablement passé grand-maître.

Alors, wait and see. Nous nous proposons de vous tenir au courant au fur et à mesure que les choses évolueront… Dans quelques jours ou quelques semaines. Un feuilleton de catégorie inclassable à suivre en tout cas. À bientôt donc…