[Points Critiques n°386] Camp de Carnaval, un 8 mars à l’UPJB-Jeunes

Leila Vander Ghinst Lachterman

L’année dernière déjà, le 8 mars 2019, la Journée internationale des droits des femmes avait lieu alors que nous étions en plein camp de carnaval. Les moniteurs et monitrices avaient donc eu l’idée d’organiser un atelier autour des questions de genre en non mixité choisie, c’est-à-dire, garçons et filles séparé.e.s délibérément pour laisser à chacun.e la possibilité de s’exprimer librement et, plus précisément, dans une idée d’auto-émancipation. Les enfants qui se sentaient « filles » ont rejoint un groupe et ceux qui se sentaient « garçons » en ont donc rejoint un autre : une belle introduction à la trans-identité.

Personnellement, j’étais présente en tant qu’intendante, j’avais donc un regard quelque peu extérieur sur l’événement et, n’ayant pas assisté au groupe de parole des garçons, je ne vous parlerai ici que de celui des filles.

Toutes confondues, du plus petit groupe des Da Silva, jusqu’aux monitrices et intendantes, en passant par les ados du groupe des Julianos, nous étions une bonne trentaine. L’atelier s’est fait sous forme de discussion en cercle où chacune a pu s’exprimer sur sa position en tant que fille, au sein de l’UPJB-jeunes, de son école, de sa famille, au sein de ce monde.

Beaucoup d’histoires et d’émotions en sont ressorties : pour les unes, des difficultés à avoir la balle au foot au sein des ateliers sportifs de l’UPJB car « moins fortes que les garçons » ; pour d’autres, des expériences extérieures douloureuses de harcèlement dans les transports publics ou en pleine rue ; pour certaines encore, la volonté d’affirmer leur identité féminine malgré des cheveux court, des pantalons foncés, des goûts dits plus « masculins ».

Cette année, suite à cette première expérience, la nouvelle équipe de moniteurs  a décidé de réitérer l’aventure, toujours en non-mixité choisie mais, cette fois, sous la forme de différents ateliers, pour aller au-delà du partage de nos ressentis. Chacune pouvait donc choisir celui qui lui convenait le mieux et passer de l’un à l’autre : anatomie des organes reproducteurs féminins sur base de schémas ; débats mouvants pour discuter de nos positions ; dessins, pour les plus petites, dans l’idée de déconstruire les stéréotypes, et un atelier de lecture/écriture sur base d’un manuel traitant du consentement et de la sexualité. Nous avons évoqué les femmes qui se sentent femmes, celles qui ne savent pas ce que cela veut dire, celles qui souffrent de leurs règles, les étiquettes qu’on nous colle, qu’on se colle à soi-même, la violence et ses origines, les personnes qui ne se reconnaissent pas dans le sexe qui leur a été assigné à la naissance, la convergence des luttes et j’en passe…

Pour clôturer ces expériences, nous avons fait un tour de parole, toutes ensemble, réunies, pour partager nos réflexions et nos sentiments. Ce moment doit certainement compter parmi les plus forts de mon existence. Moi qui, plus jeune, avais rêvé – et proposé plusieurs fois – un thème de camp sur les questions de genre, et à qui on avait répondu que « ça n’était pas un sujet assez important que pour le traiter durant une semaine entière », moi qui souffrais du fait que le progressisme et la lutte contre les inégalités à l’UPJB ne puissent pas rejoindre cette lutte primordiale qu’est le féminisme, je voyais de mes propres yeux les choses bouger, les langues se délier, les espoirs se (re)construire. Je voyais ma petite sœur, monitrice pour son premier camp, répondre si naturellement à ces petites filles sur des sujets pourtant si difficiles à aborder, je voyais des jeunes femmes découvrir ce qui m’aurait tant aidé à grandir. La promesse d’un avenir meilleur, à l’UPJB, en Belgique… Dans ce monde ?