Lara Erlbaum : Au-delà des larmes

Moi, petite-fille de rabbin déporté

J’invoque la réconciliation entre nos frères sémites

Alef, alif, nous parlons le même alphabet

Nous sommes tous des Palestiniens souffrants, nous sommes tous des Israéliens souffrants

Moi, petite-fille de rabbin déporté

Je demande que s’abrège la malédiction

Qu’avant la septième génération

Cessent de nous poursuivre les Erynies, déesses de la vengeance

Moi, fille de la troisième génération

J’invoque les Euménides

Je demande pardon pour les victimes innocentes

Je demande que les nouvelles victimes ne paient pas les crimes des anciens bourreaux

Moi qui depuis dix ans n’ai pas revu mon propre frère parti à la rencontre de notre passé

parti vivre dans cette Jérusalem du Nord que l’on nomme Anvers

Sermonner les autres si on n’est pas en paix avec les siens, à quoi bon

J’invoque la réconciliation avec nos propres parts d’ombres

J’invoque la réconciliation entre frères ennemis.

Sur un campus universitaire un jour, un rassemblement de soutien aux habitants de Palestine

J’y ai vu un groupe de femmes arabes. Sur leur manteau, une étoile jaune à cinq branches

Comme je leur témoignais à quel point me bouleversait de les voir porter, avec leur souffrance,

celle du peuple ennemi

l’une d’elle m’a répondu que leur humanité passait par le fait d’être mère

Dans ce genre de conflit, les femmes ont-elles une autre voie à faire entendre ?

Moi, petite-fille de rabbin déporté

Qui lui-même a engendré une génération d’athées fervents

Moi j’ai foi

en nos frères humains

 

Lara Erlbaum