Michel Staszewski : Une vie humaine vaut une vie humaine. D’accord ?

Mise au point préalable : j’adresse ce billet aux personnes qui, quelles que soient leurs appartenances ethnoculturelles ou philosophiques, comme moi, sont attachées à ces valeurs fondamentales de la gauche politique que sont l’aspiration à l’égalité des droits et à la solidarité fraternelle entre tous les humains, dans l’esprit de la « Déclaration universelle des droits de l’Homme ».

Pas aux racistes de toutes obédiences. Passez votre chemin.

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En cette fin d’année 2023, l’émotion est à son comble chez ceux et celles qui, pour de multiples raisons, se sentent particulièrement concerné·es par ce qui se passe en Palestine/Israël. Depuis deux mois, le déchaînement de violences a dépassé tout ce qu’on a connu depuis la conquête par l’armée israélienne, en 1967, des territoires palestiniens qui n’étaient pas sous sa domination jusque-là.

Je suis effrayé de constater que même parmi celles et ceux qui se targuent d’être des militant-e-s antiracistes et des défenseurs infatigables des droits humains se manifeste, sans doute sous le coup de l’émotion, une tendance au « repli communautaire », autrement dit à s’identifier soit aux Palestiniens (parce qu’arabes ou musulmans ?) soit aux Israéliens (parce que juifs ?) ; et de renoncer, souvent inconsciemment à considérer que toute vie humaine est précieuse au même titre, quelle que soit son appartenance ethnique ou religieuse.

Ainsi certaines personnes de gauche, sympathisant·es de la cause palestinienne refusent de condamner les massacres et enlèvements indiscriminés de civils (y compris d’enfants et de vieillards) perpétrés le 7 octobre dernier par des militants armés du Hamas et d’autres factions palestiniennes, estimant que, puisque la cause palestinienne est juste, toutes les formes de résistance sont admissibles ; que la fin (juste) justifie donc tous les moyens, sans exception.

Je ne suis absolument pas d’accord avec ça. Pour moi, aucune cause, aussi juste soit-elle, ne justifie jamais que des innocents soient délibérément sacrifiés. Ces moyens-là sont des crimes qui salissent gravement la cause qu’ils prétendent servir.

Qu’on me comprenne bien : je me permets ce jugement sur des ACTES que j’estime criminels  mais pas de donner des leçons de morale aux PERSONNES (dont la majorité n’a pas survécu) qui ont commis ces actes car je sais à quel point leur vécu personnel est éloigné du mien qui vit bien à l’abri en Belgique :  je ne subis pas un blocus infernal et interminable ; je ne manque de rien alors que les Gazaouis sont pour la plupart privés de biens aussi indispensables que d’eau potable, de nourriture variée et en suffisance, d’accès aux médicaments et aux soins de santé, d’électricité, de carburant, etc. Et, contrairement à l’ensemble des Gazaouis, je peux me déplacer librement. Les jeunes de la bande de Gaza, pour la plupart au chômage, n’ont aucune perspective d’une vie digne.

Je suis aussi très inquiet quand je constate que certain·es de mes ami·es juif·ves de gauche, pourtant sensibles aux souffrances des Palestinien·nes et résolument opposé·es aux politiques profondément discriminatoires menées à l’encontre de ceux-ci par les gouvernements israéliens successifs, semblent tout à coup éprouver plus d’empathie pour les victimes juives que palestiniennes. Cela s’est par exemple manifesté par le reproche de la part de quelques membres de l’UPJB que notre communiqué du 10 octobre ait mentionné autre chose que la condamnation des massacres de la population civile israélienne, alors que La population gazaouie était déjà victime de bombardements dévastateurs et que, la veille, Yoav Gallant, le ministre de la Défense israélien, avait annoncé l’imposition d’un « siège complet » à la bande de Gaza : « Pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture, pas de gaz, tout est fermé ». « Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence ».

J’ai aussi été choqué quand j’ai constaté que l’appel de l’UPJB à rejoindre la manifestation du 11 novembre contenait la revendication de la libération de tous les otages (ce que je trouvais évidemment très bien) mais sans demander celle des prisonniers politiques palestiniens, alors qu’on savait à ce moment que, depuis le 7 octobre, au moins 1.400 Palestiniens des autres territoires occupés avaient déjà été arrêtés, en plus des 5.000 déjà emprisonnés, dont au moins un tiers de « prisonniers administratifs », c’est-à-dire détenus sans inculpation ni jugement. Pour moi, ces prisonnier·ères sont les otages de l’État d’Israël.

Je ne me considère ni comme « anti-israélien », ni comme « pro-palestinien ». Je suis partisan d’une paix juste entre Palestiniens et Israéliens, la seule qui puisse durer. Cela implique pour moi de me montrer solidaire de la lutte des Palestiniens pour le rétablissement de leurs droits à vivre dignement dans leur pays. C’est pourquoi je soutiens leur combat contre l’apartheid israélien. Mais cela n’implique pas pour moi de considérer que ce but juste justifie l’emploi de n’importe quel moyen. Restons humains.

                                                                                                 Michel Staszewski  29/11/2023