Réaction de l’UPJB à un reportage de la RTBF évoquant les massacres de Babi Yar

Le 25 janvier dernier, la RTBF, par le biais del la journaliste Aurélie Didier, a diffusé dans son JT un reportage mettant en relation les massacres de Babi Yar et les actuelles tensions russo-ukaino-occidentales. Face aux inexactitudes et à la confusion semée par le traitement dudit sujet, plusieurs voix de l’UPJB on ressenti la nécessité de réagir en envoyant une réponse critique à la journaliste et à la direction de l’information de la RTBF. Car si c’est une histoire que l’on connait peu en Belgique, elle est l’enjeu de multiples pressions politiques.

 

Que sont les massacres de Babi Yar ?

Babi Yar est un ravin dans la capitale ukrainienne Kiev et le site de massacres perpétrés par les forces de l’Allemagne nazie lors de sa campagne contre l’ Union soviétique dans la Seconde Guerre mondiale. Le premier et le mieux documenté des massacres a eu lieu les 29 et 30 septembre 1941, tuant environ 33 771 Juifs.

Il a été le plus grand massacre sous les auspices du régime nazi et de ses collaborateurs lors de sa campagne contre l’Union soviétique, et il a été qualifié de »plus grand massacre de l’histoire de l’Holocauste  » à cette date particulière. Il n’est dépassé dans l’ensemble que par le massacre ultérieur d’Odessa en 1941 et par l’ Aktion Erntefest de novembre 1943.

Les victimes d’autres massacres sur le site comprenaient des prisonniers de guerre soviétiques , des communistes, des nationalistes ukrainiens et des Roms . On estime qu’entre 100 000 et 150 000 personnes ont été tuées à Babi Yar pendant l’occupation allemande. (Wikipedia)

 


 

À Monsieur Jean-Pierre Jacqmin, directeur de l’information ;

À Madame Aurélie Didier ; 

Au service médiation de la RTBF ;

 

Madame, Monsieur,

La montée des tensions entre l’Ukraine et la Russie, la Russie et les États-Unis sur fond de manœuvres militaires, de livraison de matériels et renforts de soldats sont inquiétants. Mais nous ne voyons pas quels liens peuvent être faits entre ce contexte et les commémorations organisées à Babi Yar par le lobby européen EJA. Sauf à tomber dans un bourbier mémoriel et actuel.

Comme organisation juive, nous avons été choqués de voir dans le JT du 25 janvier un reportage réalisé par Madame Didier associant ce contexte à la commémoration du massacre de 34.000 Juifs à Babi Yar près de Kiev les 29 et 30 septembre 1941.

Tout en expliquant que cet épisode, le plus tragique et emblématique de la « Shoah par balles » est peu connu en Belgique, la construction du sujet nous a parue confuse et peu propice à apporter au téléspectateur une connaissance fiable des faits et des auteurs.

Nous sommes bien conscients qu’un sujet de 3 minutes pour le JT ne permet pas d’être aussi précis et complet qu’une émission historique. Mais tout de même.

Les faits : Les massacres des 29 et 30 septembre dans le ravin de Babi ont été qualifiés de « plus grand massacre de l’histoire de l’Holocauste » à cette date particulière dans le cadre de l’opération Barbarossa lancée depuis juin 1941 par l’Allemagne hitlérienne contre l’Union soviétique. Ces deux journées de massacres ne sont dépassées dans l’ensemble que par le massacre ultérieur d’Odessa de plus de 50 000 Juifs en octobre 1941 (commis par les troupes allemandes et roumaines ) et par l’Aktion Erntefest de novembre 1943 en Pologne occupée avec 42 000 à 43 000 victimes.

Les victimes des massacres à Babi Yar comprenaient principalement des victimes juives, mais aussi des prisonniers de guerre soviétiques, des communistes, des nationalistes ukrainiens et des Roms.

On estime qu’entre 100 000 et 150 000 personnes ont été tuées à Babi Yar pendant l’occupation allemande.

Les auteurs : nous avons regretté que les auteurs de ce massacre ne soient pas mentionnés : les Einsatzgruppen allemands furent assistés par le bataillon ukrainien de police nazie Schutzmannshaft 201dont le chef ukrainien Roman Choukhevitch, ex-chef du bataillon Nachtigall et compagnon de Stéphan Bandera. Le bataillon Nachtigall fut créé avec l’appui de l’Allemagne, il fut dissous en août 1941 et 650 combattants ukrainiens reversés dans le 201e régiment. La cruauté des auxiliaires ukrainiens impressionna les Einsatzgruppen allemands, c’est dire.

Mais ce n’est pas seulement de l’histoire révolue : Roman Choukhevich et Stepan Bandera sont honorés par des noms de rue et des monuments en Ukraine en tant que héros nationaliste ukrainiens.

Des bataillons néonazis comme le régiment Azov sont engagés sur le front du Donbass, où l’on peut craindre toutes sortes de provocations fatales. Ce régiment emprunte sa symbolique à la 2e Division Panzer SS « Das Reich ». Cette division est littéralement vénérée par l’extrême-droite ukrainienne.

Nous regrettons aussi que dans son sujet, la journaliste laisse passer sans commentaire la déclaration du directeur de l’EJA Alexander Benjamin lorsqu’il laisse entendre qu’avec une guerre, les juifs de Kiev auraient à redouter une action antisémite des soldats russes tout comme ce fut le cas avec l’armée allemande et ses combattants ukrainiens.

Pour nous, cela crée une double confusion :

Au regard de l’histoire, en renvoyant dos à dos les inventeurs de la solution finale et le pouvoir soviétique, qui pour avoir selon les époques maltraité, discriminé voire assassiné des artistes juifs, n’est pas coupable du massacre de 6 millions de juifs.

Une confusion au présent : il n’y a pas d’un côté une Ukraine qui chercherait à se rapprocher davantage de l’Ouest en érigeant un mémorial à Babi Yar et d’autre part une Russie poutinienne soupçonnée de vouloir s’en prendre aux juifs d’Ukraine.

Les deux pays hélas ont leurs antisémites. 

Il reste aussi à préciser que l’EJA est un lobby juif européen qui défend les Juifs d’Europe, la promotion de la connaissance historique, le soutien à Israël et qui est aussi engagé contre la campagne BDS. En outre, le directeur du conseil du nouveau mémorial de Babi Yar n’est autre que le très nationaliste Natan Chtcharanski, ancien dissident soviétique et citoyen israélien.

Dans toute l’Europe de l’Est, une très vive bataille mémorielle est en cours. Il y a même deux projets de mémorial à Babi Yar, l’un ukrainien l’autre d’origine russe. (cfr. https://desk-russie.eu/2021/09/24/josef-zissels-poutine-nous-envoie.html).

Comme organisation juive, nous attendons de la RTBF une pédagogie historique rigoureuse sur les faits, les auteurs et les victimes. Et beaucoup de précaution sur les enjeux actuels.

Nous ne sommes pas des censeurs. Nous souhaitons qu’au moment où l’extrême-droite agissante dans les manifs antivax se rend coupable de négationnisme en assimilant les populations à vacciner à des victimes juives des nazis, la RTBF soit très rigoureuse dans ses informations sur les faits historiques.

En vous remerciant,   

L’Union des Progressistes Juifs de Belgique

 

© Photo : Le ravin de Babi Yar en 1941. Johannes Hähle https://loznitsa.com